vendredi 4 février 2011

Ce blog est fermé.. Allez sur Développement Intégral

Le blog Visions Intégrales  est maintenant fermé... mais tout son contenu se trouve maintenant sur Développement Intégral, un site qui fait la synthèse entre ce blog et Sexualité et Spiritualité l'autre blog dans lequel je publiais des articles..

Il y avait de plus en plus de recouvrement entre ces deux blogs et il était temps de passer à un site plus puissant, permettant de publier des articles à plusieurs et de constituer ainsi une plaque tournante sur l'approche intégrale, intégrant les aspects individuels et collectifs, sa partie conceptuelle et pratique, en prenant en compte les aspects relationnels, sexuels et spirituels.

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Jacques

mardi 8 juin 2010

New age et science

par Jacques Ferber

Je suis très étonné et peiné par l'utilisation de la science dans le monde New Age. Il ne s'agit pas de dénigrer ce mouvement, bien au contraire: la plupart de mes amis appartiennent à ce mouvement (au sens large du terme), j'ai publié un livre dans une édition de cette mouvance, et pour ma part je flirte aussi beaucoup avec le New Age. J'ai pu constater que le terme New Age n'a pas bonne presse, même dans le milieu New Age (ce qui et un comble), mais pour moi je n'y met aucun sens péjoratif. C'est juste une étiquette pour décrire un mouvement associé aux "creatifs culturels" et qui pose la venue d'une nouvelle conscience sur Terre. Je considère que, globalement, le mouvement New Age est très souvent à l'avant garde du développement individuel et collectif, qu'il sait mettre en garde la population sur un ensemble de dangers liés à l'utilisation sans mesure de la technologie (nucléaire, ondes électromagnétiques, OGM, nourriture peu saine, etc..) et qu'il propose un mode de vie plus harmonieux et plus relié à la spiritualité. Mais ses intuitions réelles, bénéfiques d'après moi pour l'humanité, utilisent souvent des explications de type pseudo-science qui le desservent et empêchent sa diffusion dans les milieux plus rationnels.

Je prendrais un exemple que je trouve pertinent: la théorie de la résonance morphique. Cette théorie, qui a été développée par Rupert Sheldrake, postule que les structures, les formes et mêmes les lois de la nature ne sont pas immuables mais dépendent de mémorisation de structures et formes semblables dans le passé. La particularité de ce phénomène c'est qu'il agit de manière non-locale, en contradiction avec les modèles scientifiques. Comme c'est un scientifique il cherche des résultats empiriques qui viennent corroborer ses hypothèses. A priori, pourquoi pas. Nous savons qu'il existe des mécanismes d'action à distance: la mécanique quantique le montre au niveau subatomique, l'électromagnétisme et la gravité montrent qu'il existe des champs qui font interagir des corps à distance, sans qu'il y ait un contact direct. Néanmoins, ces champs ont une intensité qui décroît en fonction de la distance (généralement en fonction du carré ou du cube de la distance) et on peut mesurer ces champs de manière très précise, ce qui n'est pas le cas des champs morphiques qui ne sont ni matériels ni mesurables.

Là où il y a "pseudo-science" d'après moi, c'est quand on utilise des arguments de type "aucune autre explication scientifique actuelle ne peut expliquer ce phénomène, donc cette théorie est vraie" (ce n'est pas le discours de R. Sheldrake qui cherche au contraire des validations empiriques, mais celui de beaucoup de personnes dans le mouvement New Age). En général, cet argument n'est pas tellement étayé, et la science avance vite, donc ce qui n'est pas expliqué en 1950 peut l'être en 2000 ou en 2020. Il faut se méfier de ces "trous" de la science et ne pas vouloir y poser toutes les explications pseudo-scientifique en les posant comme contradictoires avec les concepts scientifiques. Gardons à l'esprit, qu'il est difficile de prouver que l'on ne peut pas prouver quelque chose!

Je prend comme exemple le vitalisme qui a été très à la mode jusqu'au début du 20ème siècle. D'après le vitalisme, le fonctionnement de la vie ne peut pas s'expliquer simplement en termes physico-chimiques. Il y a quelque chose de plus, une sorte d'énergie vitale qui lie le vivant et qui explique qu'il forme un tout. Très en vogue avant Pasteur (on essayait d'expliquer la génération spontanée), il a perdu de son influence avec les découvertes de la biologie. La cellule et l'hérédité ont été le dernier rempart du vitalisme dans la première moitié du 20ème siècle avant que la découverte de l'ADN et de ses mécanismes ne viennent jeter un discrédit majeur sur toutes les explications vitalistes.

En fait, les vitalistes ont raison, quand ils utilisent leur concepts comme une manière de regarder le monde, pour voir au-delà des apparences et des formes de pensées réductrices qui sont véhiculées par le mécanicisme (tout peut être réduit à des mécanismes physico-chimiques): lorsqu'on regarde l'ensemble du développement d'un être vivant ou des espèces, tout se passe comme s'il y avait un élan vital qui s'exprimait au travers de ce développement. Mais au niveau micro, lorsqu'on regarde précisément, on constate aussi qu'il s'agit de tout un ensemble de mécanismes élémentaires très simples, mais qui, bout à bout, donnent lieu à une émergence de phénomènes globaux, à des formes particulières. L'hémisphère droit du cerveau, sensible aux formes, voit l'élan vital dans le développement des structures, alors que l'hémisphère gauche, analytique, ne considère que l'articulation des mécanismes élémentaires qui agissent de manière sous-jacente.

Il en est de même d'après moi avec les champs morphiques de R. Sheldrake. Tout se passe comme s'ils existaient car, à un certain niveau, on peut interpréter les évolutions des formes comme des mécanismes de résonance morphiques, même si, au niveau élémentaire on peut trouver des explications mécanismes. Prenons un exemple qui est souvent mis en avant par les promoteurs des champs morphiques: une découverte réalisée quelque part aura tendance à se propager et pratiquement en même temps d'autres chercheurs, pourtant sans liens entre eux d'aucune sorte, vont faire les mêmes recherches. Cela arrive très souvent. On se dit oh, c'est magique, donc il doit y avoir une explication magique d'action à distance. En fait, quand on est dans la recherche ce phénomène intervient constamment: pour ma part, il m'est souvent arrivé d'avoir eu des idées et de me rendre compte que finalement quelqu'un l'avait dit juste un peu avant moi, pratiquement dans les mêmes termes. J'étais tout simplement en train de "réinventer la roue" comme on le dit souvent. Cela arrive tellement souvent que ce sont en général les directeurs de thèse et le fait d'aller en conférence qui permet de limiter ce phénomène. Pour moi, il n'y a rien de magique ou de résonance morphique là-dedans. Les chercheurs ont en main un certain nombre de concepts existants et ils cherchent à résoudre un problème. On pourrait caractériser des "types" de chercheurs en fonction de leur mode de pensée, de leur manière à traiter et à combiner des informations externes, d'utiliser leur intuition, de sélectionner ce qui leur apparaît comme une "bonne" idée. De ce fait lorsque deux chercheurs du même "type" vont disposer des mêmes informations et chercher à résoudre les mêmes problèmes, il est tout à fair normal qu'ils aboutissent à des solutions et à des concepts voisins sans qu'il y ait besoin d'explication de communication à distance. Dès que les conditions sont remplies, des solutions vont émerger en plusieurs points du globe et certaines seront très semblables. Tout se passe un peu comme des sosies physiques: les deux formes se ressemblent mais elle n'émergent pas du même pool génétique.

Cela n'empêche pas d'utiliser le concept de résonance morphique à un niveau plus "macro": tout se passe comme si chaque découverte créait un champ de possible qui va faciliter les autres découvertes semblables. Et cela est vrai pour toute action individuelle: chaque fois que nous agissons d'une manière ou d'une autre, nous changeons le monde au niveau collectif, car nous influençons le monde par chacune de nos actions, de nos croyances, de notre manière d'être. Si l'on veut avoir une théorie analytique, il sera possible de tracer toutes les petites interactions qui font que nous influençons notre entourage et que nos idées et notre comportement se diffuse en ayant finalement un impact – parfois très léger – sur le collectif. Mais si l'on en reste au niveau microscopique, très élémentaire, on ne voit pas l'ensemble et les formes qui émergent de ces petites actions. Dans ce cas, il est préférable d'utiliser une explication de type "champ", et de voir finalement comment nos actions modifient ce champ de forme, et se diffusent comme si elles se transmettaient à distance. Le "comme si" est fondamental: c'est le moment où l'on peut intégrer deux théories, deux visions différentes et voir ensuite comment elles se connectent, comment elles sont reliées.

Je voudrais prendre un autre exemple pour montrer la relation qui existe entre une perception de champ et les mécanismes sous-jacents. Dans le domaine de la robotique collective, où l'on fait interagir de nombreux robots, on utilise parfois des modèles à base de champs de potentiels. Cela a été développé à la fin des années 80 et j'en parle dans mes cours sur les systèmes multi-agents. J'ai même encadré plusieurs thèses sur ces sujets. (j'en ai aussi parlé dans mon livre sur les systèmes multi-agents que vous pouvez télécharger ici). Le principe est simple, on considère que chaque robot, chaque chose, chaque lieu émet un signal dont l'intensité est variable. Ces signaux, lorsqu'il sont combinés créent un champ qui peuvent être interprétés par les autres robots pour leur déplacement. Par exemple un robot en panne, peut envoyer un signal qui va modifier ce champ, ce qui va contribuer à ce que les robots présents viennent auprès du robot en panne pour l'aider. Inversement, dans leur déplacement, chaque robot envoie un petit signal répulsif, ce qui, interprété correctement par les autres robots va constituer une répulsion afin d'éviter les collisions entre robots. En fait, le champ n'existe pas: il n'y a que des signaux qui sont envoyés dans un médium quelconque. Mais chaque robot, en combinant les signaux reçus, va disposer d'une image globale sous forme d'un champ contenant des zones attractives et répulsives, et il va simplement évoluer dans ce champs, son comportement modifiant la forme du champ et donc les influences que les autres robots vont recevoir. Chaque robot évolue dans le champ et le modifie par son comportement. L'ensemble de interactions va donner lieu à des formes collectives tels que des comportements de meutes (flocking) sous forme de file indienne ou de horde dans lequel une série de robots se mettent à se suivre les uns les autres tout en évitant des obstacles. Il n'y a pas de magie, mais simplement émergence de phénomènes dont l'explication peut être donnée à un certain niveau par l'utilisation de champs, bien que ces champs ne soient pas matériels: ils sont créés par la recombinaison d'informations plus élémentaires qui donnent l'impression que les robots évoluent dans un système de champs. Donc ces champs existent, puisqu'ils sont "vus" par les robots pour déterminer leur comportement, et n'existent pas car ils n'ont pas de support matériel direct.

Cette notion de niveau d'appréhension est très important pour comprendre à la fois les pseudo-théories new-age et leur rejet par les scientifiques orthodoxes, chacun jetant l'anathème sur l'autre. Les énergies subtiles perçues par les pratiquants d'arts martiaux, de yoga et d'une manière générale de toutes ces nouvelles pratiques fondées sur ce que l'on appelle l'énergétique, existent au sens où on peut les percevoir, les amplifier, agir à partir de ces perceptions. Mais en même temps, les orthodoxes ont raison de dire que ce sont de élucubrations car les explications qui sont données par les new-age ne peuvent pas se relier à ce que l'on connaît du monde. Chacun parle son langage sans voir qu'il existe des liens entre ces deux approches et que leur "vérité" ne se situe pas au même niveau: les new-age perçoivent certaines choses de manière subjectives, à partir d'une appréhension globale du monde, alors que les scientifiques orthodoxes veulent une vision objective et locale. Les premiers en fait intègrent tout un ensemble de signaux pour un donner une image simple et intégrée (ce que fait très bien le cerveau droit), alors que les scientifiques cherchent à obtenir quelque chose de décomposé et de mesurable (ce que fait très bien le cerveau gauche).

De ce fait, il me semble que la voie d'avenir est celle de l'intégration de ces deux hémisphères du cerveau et de l'intégration des "pseudo-sciences" à la science. Non pas pour dire que les théories de ces pseudo-science doivent être prises telles qu'elles, mais qu'elles doivent être comprises comme des manières de voir intégrées qui sont fondées en dernier ressort sur des mécanismes pour certains bien connus, sans que l'on doive faire intervenir des explications "vitalistes" ou "magiques" au niveau élementaire. C'est ce que font très bien ces nouveaux domaines scientifiques telles que la psycho-neuro-immunologie (à ce sujet lire ce merveilleux article de Nouvelles Clés) ou l'épigénétique qui relient les deux modes de pensée ou plus exactement trouve un lien entre ce qui est vécu par un individu et les mécanismes matériels sous-jacents. La magie, s'il y en a, est 1) dans nos capacités cognitives à la fois limitées mais aussi intégratrices de tout un ensemble d'informations, et 2) dans l'interaction à tous les niveaux (moléculaires, organismes, individuel, sociétal, etc..) qui font émerger des formes nouvelles inexistantes au niveau individuel. La science a besoin de ces visions intégratrices qui poussent l'humain à se dépasser et à voir au-delà du matérialisme élémentaire, et inversement les nouveaux mouvements spirituels ont besoin d'ancrer leurs visions novatrices dans une approche scientifique plus analytique, sans trop recourir à des explications magiques.. ou alors savoir mieux utiliser le "tout se passe comme si" qui permet de relativiser ces théories.

En d'autres termes, les explications New Age voient la beauté de la cathédrale dans sa beauté, en ignorant la manière dont cela a été construit, alors que les scientifiques voient les pierres et leur agencement, mais ne voient pas la forme globale. Peut être un jour sauront nous faire le lien entre les artistes et les maçons?

dimanche 9 mai 2010

Nous avons chacun la responsabilité d'évoluer !

Par Véronique Guérin

« Nous faisons toujours du mieux que nous pouvons »
. Cette acceptation de soi est l’un des quatre accords toltèques énoncés par Don Miguel Ruiz. L'empathie envers soi-même, l’acceptation de ses erreurs et de ses maladresses est essentielle pour éviter de basculer dans la culpabilité et de passer du temps et de l’énergie à ruminer le passé. Elle permet de conserver une estime de soi au delà de nos actes et est déjà en soi une étape fondamentale du développement de conscience.

Cependant, cette acceptation de soi peut devenir prétexte à rester là où l’on est : « Je suis ainsi, c’est ainsi, je ne changerai pas ». Or, la personnalité n’est pas une entité solide et figée mais un processus dynamique. La vie nous offre à tout instant des occasions d’évoluer et il est de notre responsabilité d’élargir notre conscience pour que demain soit différent d’hier. Alors que la culpabilité est tournée vers le passé que l’on ne peut modifier, la responsabilité nous invite à changer, ici et maintenant, pour que demain soit différent d’hier.
Comment ? En soignant nos blessures et en apprivoisant nos peurs, nos colères et nos tristesses pour que la vie puisse nous traverser et nous transformer. Il s’agit de s’accepter avec bienveillance tel que l’on est tout en reconnaissant que nous sommes bien plus que cela.
Cette expérience de non-jugement envers soi-même accompagnée de cette confiance dans sa propre évolution sont également les ferments indispensables pour regarder les autres avec bienveillance et les interpeller avec respect.

vendredi 25 décembre 2009

Le première et dernière liberté


Par Jacques Ferber, à voir sur www.visionsintegrales.com


Sébastien, un internaute, m'a envoyé ses questions (Comme je l'ai déjà signalé, j'adore qu'on me pose des questions..) portant sur la liberté humaine et donc sur le libre-arbitre .

Les voilà:




1- En apparence, la liberté de l’homme est restreinte, limitée.
Mais malgré les raisons suivantes :
  • nécessités individuelles ( Je n’ai pas choisi ce corps avec cette forme physique, ce caractère, cette personnalité ), instincts…. (Mes émotions m’empêchent de faire ce que je veux malgré ma volonté.), conditions sociales, intérêts, (c’est la faute des autres) ; - décisions 1 inconscientes
  • c’est le destin (Chaque destinée individuelle dépend du grand destin.) ; c’est Dieu qui l’a voulu]
Tout semble avoir sa raison d’être : peu importe ce que tu expérimentes, ce que tu choisis, au final, c’est l’Univers qui le choisit.

Certains affirment que :
  • l’homme possède un Libre-arbitre ; il a le pouvoir de décision ; il choisit et est responsable de ses choix ; il peut contrôler les évènements sa vie. Il est ce qu’il pense, et il crée donc en pensant. A chaque instant il peut changer dans son présent, ici et maintenant
  • Tout ce qui nous arrive, n’importe quel évènement, circonstance, nous l’avons choisi (à un plus haut degré) Et on ne peut rien imposer à qui que ce soit, chacun décide pour soi même.
  • C’est quand on vit spontanément, sans choix que l'on est absolument libre
Alors que croire?

La liberté par rapport à ceci serait elle de dépasser ces conditionnements ? Faut-il se défaire de ses mauvaises habitudes, de ses schémas de croyances…..en en prenant conscience (Pour moi inconscience signifie : limitation, conditionnement…). Faut-il devenir totalement conscient de notre être, de nos pensées pour être libre ? Retrouver son libre arbitre serait de se libérer des entraves crées par l’intellect qui se cache derrière l’ego

2 - Qui choisit réellement donc?
  • Nous en tant qu'ego mais alors jusqu’à quel degré ?
  • Nous en tant qu'âme alors ce n’est pas réellement nous (nous n’en avons pas conscience). PARADOXE. Notre ego qui choisit et laisse notre part divine faire les choses ensuite alors que je n en ai même pas conscience me donne vraiment l'impression que ce n'est plus moi qui choisit. Ou alors, c’est nous sous notre part supérieure on va dire (âme, esprit) qui avons choisi de vivre cette expérience « humaine » sous cette personnalité avec ses caractères, ses désirs ect …. Nous jouons le jeu de l’inconscience (Quand tu n’es pas conscient, tu ne contrôles pas ta vie).
  • L’UNIVERS ce n’est donc pas nous non plus mais une force extérieure qui nous dirige. Si on récolte ce que l’on sème, nous sommes donc aussi dirigés par une force. Si nous avons une mission dictée par l’univers, nous ne sommes pas libres.
Je trouve ces questions des plus intéressantes, car elles permettent de comprendre le caractére “stratifié” de l'être et des différents niveaux de vérité, à l'intérieur desquels ces libertés agissent... J'avais commencé à en parler dans ce billet: Est ce qu'on a le choix. Je vais essayer de compléter un peu cette vision. Je vais essayer de compléter un peu cette vision. Il me semble que la plupart de la difficulté des réponses sur ce sujet proviennent tout simplement d'une confusion entre ces différents niveaux.

Pour simplifier, on peut dire qu'il y a quatre mondes ou quatre plans de réalités différents: le plan “standard” qui est celui du moi dans lequel nous vivons pratiquement tous, et que certains appellent "monde ordinaire", "monde incarné" ou 3D pour décrire cela, le plan “astral”, que l'on appelle aussi “archétypal” ou “symbolique” qui est celui de notre rencontre avec des forces inconscientes en nous et qui apparaissent aussi à l'extérieur de nous, le plan "causal" du vide et du Je Suis, et le niveau “absolu” ou tout est Un et où tout se résume à ce que les hindous appellent la "leela", le jeu divin de la Vie.. Chaque plan dispose de sa propre “logique” de sa propre manière de voir le monde, mais toutes sont vraies en même temps, ne sont que des reflets, des perspectives de cette même unité. Je ne parlerai ici que des deux premiers ici, laissant les niveaux causal et absolu pour un autre billet...

Le monde standard

Au niveau standard, le "moi" existe sous la forme d'une personnalité. C'est même l'essentiel de ce qui existe, car chacun peut dire "je suis untel, j'ai fais ceci dans ma vie, j'aimerais faire cela.. ". A ce niveau là, on a des qualités particulières, on a une vie, un passé, des choses qui nous blessent.. Il y a des personnes que l'on aime, d'autres que l'on déteste, d'autres enfin qui nous gênent. On ressent des envies, des désirs, des passions pour tel ou tel domaine. On aime faire du cheval ou du tennis, de la musique ou de la peinture, etc.. C'est le plan que l'on connaît tous et il est la racine de tous les autres. La science (malheureusement) n'en connaît pratiquement pas d'autres, sauf dans le domaine de la Physique Quantique et de la Cosmologie, où les difficultés posées par les modèles mathématiques nous obligent de dépasser cette vision simpliste du monde ordinaire "newtonien" pourrait ont dire.

Dans ce monde standard, j'ai l'impression d'être conscient de ce qui m'arrive et je m'attribue toutes mes qualités (ou mes défauts).. On va dire "Je suis beau (ou laid)", "je suis intelligent (ou idiot)", "j'ai écrit cet article", "j'ai joué ce morceau de musique", etc... Tous nos comportements sont alors le résultat de nos intentions: "J'ai eu l'intention de prendre ma voiture pour aller au travail, alors je me suis assis au volant, j'ai mis le moteur en marche, etc..", "j'ai eu l'intention ou l'envie d'écrire une lettre à cette femme, alors je me suis assis devant mon ordi (ou une feuille blanche) et j'ai commencé à lui écrire..".

Dans ce monde du moi, nous avons effectivement un libre-arbitre absolu qui dépend de cette idée que Kant appelait "sujet transcendental" et qui est simplement le fait que je suis l'auteur de mes actes, que je suis responsable de chaque chose que je fais.. Si, étant en voiture, je renverse un piéton qui traverse dans les clous, il en va de ma responsabilité.. Je ne peux pas dire "oh, je suis désolé, ce sont mes neurones qui se sont activés de telle ou telle manière et qui ont fait qu'ils ont mal évalués le temps que mettait cette personne à traverser", ni "oh, un démon de la vitesse s'est emparé de mon esprit et mon ange gardien n'a pas pu agir à temps", et encore moins "la Vie est un, quelqu'un meurt, d'autres naissent.. mais la Vie n'est pas affectée", même si ces autres réalités sont vraies elles-aussi. (et nous y reviendrons). Dans ce monde standard, je suis obligé de dire: "j'ai mal évalué le temps que mettait cette personne à traverser" et je suis ainsi responsable de cet accident (et non pas mes neurones, ou mon ange gardien ou quelque chose d'autres).

Donc, dans ce monde, le libre arbitre est pratiquement posé comme allant de soi. Quand vous ne disposez plus de ce libre-arbitre, quand votre comportement est trop déviant par rapport à la norme de ceux qui agissent à partir de leur libre-arbitre, on vous considère comme fou et vous perdez votre capacité d'agir socialement dans le monde.

Les neurosciences ont essayées de comprendre ce qui se passe en nous, en analysant tout en termes d'activations de neurones et de taux d'hormones, mais, tout en se rendant compte que cette vision du monde ordinaire n'est pas suffisante, elles ont du mal à répondre aux questions du sens : comment se fait-il que je crois ce que je crois, quelle est la réalité du monde par rapport à ce que mes sens peuvent en connaître, suis-je libre si tout est mécanique en moi, etc.

Le monde archétypal

En effet le monde ordinaire n'épuise pas la Réalité qui existe aussi sous d'autres perspectives, d'autres plans.. Par exemple, comment agir si je suis malade et que j'éprouve une certaine forme d'addiction, de dépression ou de sentiments de culpabilités intenses? Comment me transformer dans mon être, comment dépasser mes propres limites si je me rend compte que je reproduis toujours ce comportement et qu'il nuit à ma vie? Qui suis-je finalement?

Là, il faut dépasser ce monde “standard” pour aller dans un monde où les neurosciences cotoient les expériences spirituelles. C'est le monde "astral" ou "archétypal" des profondeurs de notre psyché, qui sont la demeure des dieux et des déesses et la base de toutes les mythologies. Jung et Mircea Elias ont été les premiers à essayer de décrire du point de vue psychique et symbolique les éléments fondamentaux qui sont à l'oeuvre dans notre psyché et que connaissent bien les chamanes, les sorciers, les occultistes...

Ce plan correspond à un vécu mais dans lequel la réalité n'est plus celle, extérieure, du monde 3D, mais celle, intérieure, de la psyché.. Si les dieux et les déesses n'existent peut être pas dans le monde 3D, ils existent au fond de notre être.. Du point de vue scientifique, je pense que ces êtres intérieurs correspondent à des patterns d'activation neuronaux, qui ont leur propre relative autonomie, et que l'on vit de l'intérieur comme s'il s'agissait de dieux.. L'erreur serait de vouloir les éliminer, les réduire à des fonctionnements en mode 3D et de dire que tout cela ne sont que des récits de grand mère. Ce sont en fait des puissances considérables, car le monde entier est gouverné par leurs lois.. Qui ne voit pas les puissants de ce monde dévorés par les démons de l'Orgueil et de l'Avarice? Qui ne voit pas toutes les formes de tentations que nous procure ce monde, sous le forme de distractions faciles, de drogues ou de pornographie, qui nous éloignent de notre être? En d'autres temps, on aurait dit que tous ces démons sont l'expression du Malin, des envoyés de Satan pour nous enchaîner à ses forces.

Dans ce monde, notre psychisme qui était réduit à un petit "je", devient donc un espace extrêmement vaste dans lequel on peut rencontrer des dieux, des déesses et des démons, dans lequel Dieu peut prendre des formes multiples..

Cet espace dépend de structures génériques partagés par chaque humains (les archétype), mais dont le contenu dépend de chaque culture. Par exemple la figure d'Anima, qui est la part féminine d'un homme, laquelle correspond au désir et à l'amour et au désir pour l'autre sexe, peut prendre le visage d'Aphrodite en Grèce, celui de Maryline Monroe dans les années soixante, voire celui de Marie-madeleine..

Sur ce plan astral, il n'y a plus de sujet transcendental, mais des figures dont on peut revêtir l'habit, des entités qui peuvent nous aider ou au contraire nous faire chuter. Dans ce monde, souffrir d'une addiction c'est être la proie d'un démon qui vient nous dévorer et prendre le contrôle de notre être chaque fois que nous sommes sous l'emprise d'une drogue.. Les mécanismes biochimiques et neurologiques sont alors vécus comme un affrontement contre un démon.. Et dans ce cas, la figure du Héros, qui est généreusement représentée dans tous les films d'action, peut nous aider dans cet affrontement.. Les molécules et les neurones sont en lutte mais nous le vivons comme un combat de dieux et de titans... Faire preuve de volonté, c'est alors développer intérieurement la figure du héros qui combat contre les démons qui l'engluent et l'empêchent d'avancer.. Et dans ce cas on peut être aidé par des forces intérieures (dieux, anges, maitres ascensionnés, guides spirituels) et par des éléments extérieurs: symboles, cérémonies religieuses et spirituelles, signes "divins" correspondant à des événements "étonnants" de notre vie, etc.. qui vont s'exprimer comme des portes entre le monde "standard" et le monde astral, en nous permettant de faire venir au conscient des aspects inconscients de notre psyché. Par exemple dans un rêve on peut voir le personnage d'un vieux sage qui vient nous donner une pierre de vie, et rencontrer dans la vie quelqu'un qui va nous aider à développer notre projet professionnel. L'événement psychique intérieur (sous la forme d'un rêve) vient en correspondance avec l'élément extérieur.. Les rêves sont les premières manifestations de ce monde astral, mais en utilisant certaines formes de méditation ou de pratiques chamaniques, on peut aller plus loin et visiter ce monde astral comme on voyage dans notre monde 3D.

En allant profondément dans ce monde, on peut voir tout ce qui constitue notre être: notre ego, notre ombre, les entités d'aides (anges, figures divines, ..), les démons qui nous enchaînent et se nourrissent de notre énergie. Mais surtout, on peut voir notre "âme", notre part divine, cet aspect intérieur de nous mêmes qui est vécu comme un "higher self", un moi supérieur, qui fait le lien entre notre "moi" et Dieu. Cette âme, qui représente notre part divine, peut alors nous parler et exprimer des sagesses ancestrales qu'il s'agit d'écouter car elles nous guident très précisément sur le chemin de la vie. Gandalf dans Le Seigneur de l'Anneau, Merlin dans le cycle arturien, Dumbledore chez Harry Potter, représentent cette figure du "higher self" dans des contes, qui cherche à conduire le héros (qui représente le moi) dans une certaine direction, avec amour et compassion, mais sans le faire à la place du héros.. Si le héros suit bien ces recommendations, il pourra découvrir la Pierre Philosophale ou le Graal, devenir le Roi et s'unir à la belle (l'anima), c'est à dire atteindre le coeur de son être. De ce fait, le héros, c'est vous, c'est moi, c'est chacun d'entre nous (ces figures sont surtout vrai pour les hommes, les femmes ont des structure psychiques légèrement différentes).

Dans ce cas, pour en revenir à votre question: le "moi" (le héros) a bien le choix d'agir, mais finalement son choix est très réduit car il a le choix entre:
  1. Suivre les conseil de l'âme (c'est à dire du maître intérieur, ou de Dieu qui parle en nous) et parvenir après bien des épreuves à la satisfaction finale, généralement représentée pour les jeunes hommes sous la forme de l'Union Sacrée entre le héros et une femme qui représente la figure de l'Anima. Dans tous les cas, il devra passer par une transformation qui consiste à passer du "je fais ce que je veux quand je veux" au "je fais ce que mon âme me dit de faire", et passer par un certain nombre d'épreuves dont certaines sont vécues comme une mort et une renaissance, d'autres comme un combat.
  2. N'en faire qu'à sa tête, mais cela signifie en fait être la proie des démons, c'est à dire des conditionnements culturels et des addictions.. Dans ce cas, le libre-arbitre est juste une illusion... Cela peut être de vouloir être celui qui gagne le plus d'argent, qui a la plus grosse voiture, qui a des relations sexuelles avec le plus de femmes,... Cela peut être de prendre des drogues, de jouer à des jeux videos ou de regarder la télé pendant des heures... Du point de vue psychique cela signifie être sous l'influence du démon, alors qu'on se croit libre.. On est simplement soumis à la pression culturelle et biologique qui se résume pour les hommes généralement aux trois tentations de base, le pouvoir, l'argent et les femmes, et pour les femmes à vouloir épouser le prince charmant et lui faire les plus beaux enfants du monde.
Donc, finalement, on se rend compte que l'espace du libre-arbitre est très réduit:
  • soit on suit ce que notre âme demande, c'est à dire en suivant la voie (et la voix) de Dieu, pour prendre le langage des mystique, c'est à dire finalement de remettre son libre-arbitre à son "higher self" ou à Dieu..
  • soit on décide de ne pas suivre cette voie, et on est dépendant, tout en étant inconscient, de nos mécanismes conditionnés...
Le choix est essentiel, mais c'est simplement prendre la pilule rouge ou bleue dans Matrix.. La pilule rouge c'est voir la réalité, et accomplir son destin qui nous est donnée sous la forme de notre mentor intérieur (notre guide, higher self, âme, voix de Dieu en nous, etc..) ce qui suppose épreuves, dépassement et mort du "moi" illusoire, soit la pilule bleue pour rester dans un monde de rêve et d'illusion dans lequel 99,99% de l'humanité se trouve.. C'est juste cela le libre-arbitre: suivre son destin profond (sa mission disent certains) ou vivre dans l'illusion du libre-arbitre.. Il ne s'agit pas d'un choix, car dès qu'on nous propose la pilule rouge, on est déjà pratiquement obligé de prendre la pilule rouge (sinon la vie devient vraiment très, très difficile étonnamment). On ne peut pratiquement pas faire autre chose que suivre le chemin de l'éveil... C'est ce qu'expliquait Krishnamurti quand il parlait de la première et dernière liberté: s'il y a libre-arbitre, c'est juste pour décider d'ouvrir les yeux ou non.. Tant qu'on ne sait pas qu'on dort, ce n'est pas grave, mais sinon, c'est vouloir se rendormir...

Le paradoxe aussi, c'est que lorsqu'on suit son "higher self", lorsqu'on suit la voie de Dieu, lorsqu'on est connecté profondément à notre âme, on fait l'expérience d'une liberté incroyable, prodigieuse, bien au delà de toute les sensations de liberté courantes, et on vit l'Amour inconditionnel, l'Amour total et puissant qui ne nous fait à aucun moment regretter notre vie antérieure, déconnectée et endormie...

Bon, il y a aurait encore beaucoup de choses à dire, mais je voudrais finir par une histoire que m'a raconté P. Trigano (aller sur son site ecoledureve.com) qui est un kabbaliste, interprète de rêve, et co-auteur avec A. Vincent de plusieurs livres (dont Le Notre Père: Manifeste révolutionnaire de Jésus l'Hébreu..).
C'est l'histoire d'un maître kabbaliste qui voit un jeune garçon qui pleure à chaudes larmes.. Il lui demande pourquoi il pleure.. L'enfant dit: "On jouait à cache-cache, alors je me suis caché pour que les autres me retrouvent. Mais ils m'ont oublié, ils m'ont abandonné".. Et le kabbaliste, de s'asseoir à côté de l'enfant et de pleurer avec lui.. "C'est exactement ce qui est arrivé à Dieu, les hommes l'ont oublié..."
En fait le libre-arbitre, l'illusion du "je", c'est juste l'oubli de qui nous sommes, l'oubli d'où nous venons, de ce qui nous constitue profondément...

Jacques

jeudi 17 décembre 2009

De la fusion à l'union en passant par le Moi...

par Véronique Guérin

La relation est au cœur de nos vies. En premier lieu, notre venue sur terre est le fruit de la relation entre une femme et un homme. Puis, notre survie et notre développement dépend de la capacité de notre entourage à nous aimer et nous protéger. Nourris par ces relations premières, nous partons en quête de rencontres qui nous permettent d’évoluer, de transmettre et de donner vie à notre tour. Et enfin, si notre mort signe la disparition du Moi incarné, elle peut également être vécue comme une reliance profonde avec ceux qui sont dans l’au-delà et avec le Soi.

Le développement relationnel s’inscrit dans un mouvement global qui part de la fusion pour aller vers l’union, c’est à dire de la relation aux autres indifférenciée vers la relation aux autres consciente. Le passage de la fusion à l’union nécessite, en premier lieu, la construction d’un Moi qui s’extrait de la matrice originelle pour dire JE et s’interroger sur où il se trouve… C’est le premier miracle dont parle Richard Moss : la capacité de l’humanité à se penser et à penser le monde.

Cette étape est essentielle parce qu’on ne peut observer le fleuve dans lequel on se baigne mais elle est également éprouvante parce qu’elle introduit la dualité et donc la séparation. L’apparition de l’individualité conduit les êtres humains à se percevoir et se vivre comme des êtres séparés les uns des autres mais également coupés de leurs origines et du sens de la vie. L’être humain se retrouve alors en proie avec une sensation de solitude, de perte de sens, de méfiance envers la vie et les autres. Le Moi qui se construit ne veut pas mourir et se transforme en Ego qui défend son bout de gras, se rétracte et se crispe. Cette crispation entraîne la souffrance : le monde se rétrécit, on s’attache, on a peur de perdre ses acquis ou de ne pas obtenir ce que l’on veut et l’on passe à côté de la vie qui s’incarne à tout instant de façon nouvelle propice à l’émerveillement.

Or, cette construction du Moi n’est pas une finalité mais juste une étape de développement de conscience. L’étape qui suit tout naturellement consiste à se relier aux autres de façon consciente : « Je » n’est pas là pour être le meilleur et s’approprier les biens de la terre aux détriment des autres, « Je » est là pour s’unir aux autres dans une danse où chacun a sa place, dans une symphonie où chaque instrument a son morceau à jouer. Pour qu’émerge cette intelligence collective qui dépasse, transforme et relie les individus séparés, il est nécessaire que chacun ouvre à nouveau ses bras et renonce à vouloir être supérieur, dominer et gagner contre l’autre !
L’union, c’est la relation en conscience. Grâce à la construction d’un Moi séparé et autonome, nous pouvons retourner conscients dans cet espace paradisiaque de la fusion et la transformer en union. Mais c’est aussi ce Moi qui nous freine, car, pour cela, il doit se sacrifier.
Dans cet espace d’union, le Moi n’existe plus comme entité séparée, seule reste la conscience. Si le Moi accepte de se sacrifier, (c’est le fameux lâcher-prise dont on parle tant dans le développement personnel et spirituel…), alors on entre dans un espace extatique où les relations avec les autres humains deviennent fluides et nourrissantes. On devient des « anges gardiens » les uns pour les autres, et l’autre ne peut plus être un ennemi car il fait partie du même puzzle, de la même chorégraphie, de la même symphonie.

Au delà des relations entre nous, il s’agit bien de la relation au Divin ou au Soi, de la relation entre le Moi et le Soi. Ce lâcher prise et cette réceptivité nous font entrevoir que l’endroit où nous allons est le même que celui d’où nous venons, mais en ayant acquis la connaissance de ce que nous sommes. Dès lors que le Moi voit et reconnaît cette évolution, Le Moi peut mourir puisque la conscience est là. Le silence de la mort dans lequel nous retournons et le même que celui qui précédait notre naissance : le silence de paix, d’infini et d’éternité. Un espace où nous sommes tous reliés au delà du Moi.

lundi 12 octobre 2009

Richard Moss et le deuxième miracle

Je suis en train de lire le 2ème miracle de R. Moss. Prodigieux.. Un livre que je n’avais pas bien compris quand je l’avais parcouru il y a deux ou trois ans et qui devient maintenant lumineux. Il s’adresse essentiellement à ceux qui sont en train de s’éveiller, à ceux qui ont déjà aperçu la lumière de l’autre côté, ceux qui ont goûté à “cela”, cette unité avec toute chose et tout être et qui sont en cours d’approfondissement de leur démarche. Il peut aussi aider à dépassionner le débat de l’éveil spirituel, sa difficulté, voire son incapacité à l’appréhender quand on est du côté du moi, ou pour reprendre les termes de R. Moss, quand on regarde depuis la perspective du Premier Miracle.

Un livre très bien écrit, très simple. On sent l’auteur juste à côté de nous, très proche. En même temps distinct et relié.. A la lecture, on peut mieux comprendre pourquoi il y a tant d'éveils qui se passent en ce moment... Permet aussi de comprendre qu'il ne s’agit en aucun cas de "tuer" l'ego (cela le renforce), mais de l'intégrer à quelque chose de plus grand, ce quelque chose que l'on ne peut pas atteindre, mais qui s'ouvre à nous lors d'une conversion du regard, d’un changement de perspective. Certains ont eu des éveils fracassants, d’autre des éveils plus progressifs, ce qui fait dire à ces derniers qu’il s’est agit d’un “non événements”. En général, j’ai constaté que les éveils brusques se situent au début du voyage spirituel et que les éveils progressifs sont le résultat d’une pratique qui permet au divin, le jour où IL le veut, de venir nous réveiller de notre sommeil profond, de notre nombrilisme.

Une phrase me paraît en particulier intéressante, car elle renvoie à l’idée du projet Atman de Wilber dont j’ai déjà parlé dans ce blog. R. Moss écrit à propos de la célèbre phrase de Jésus "Tu aimeras ton prochain comme toi-même" :
“Le paradoxe fondamental de tout enseignement mystique: ce qui est une simple affirmation pour l'être dans l'infini [celui qui a goûté au 2ème miracle] peut devenir un dogme qui nie la vie dans l'infini plus petit [du dévôt qui vit à partir du moi] (les encadrés sont de moi).”
Cette phrase peut sembler incompréhensible sortie de son contexte mais cela semble dire que les religions récupèrent au niveau du moi ce qui a été vécu par les mystiques au niveau du Soi, et ce faisant elles en font un dogme qui en constitue un profond contre-sens. Alors que le mystique perçoit la Vie et le Divin dans son bouillonnement à la fois infini, atemporel et en mouvement, le dévôt va essayer de les réduire à des choses (la réification de Dieu, ou le divin réduit à une chose. Note: à cet effet, écouter J.-Y. Leloup sur son CD, avec M. de Smedt, Qui est “Je suis”?), à les contraindre dans ses capacités cognitives.. Les églises sont ainsi pleines de pharisiens.. ☺

Et toute l’évolution de l’humanité, du point de vue spirituel, peut être vue comme une méprise totale entre les mystiques et les dévôts, les adeptes qui tentent de comprendre les visions des mystiques, c’est à dire en fait leur vécu, leur perception des choses telles qu’elles sont, en concepts du moi.
Cette évolution spirituelle passe par une évolution cognitive et une ouverture de plus en plus vaste à ce que nous sommes par un élargissement de conscience. Cette évolution peut être vue en parcourant les niveaux de la Spirale Dynamique:
  1. Violet: La première des visions spirituelles, c’est la magie. La Magie c’est la réinterprétation de ce qui se passe dans le monde en termes animistes, comme si nous projetions sur toutes choses notre mode de fonctionnement. L’intuition profonde, c’est que tout est vivant et organique. L’erreur c’est de croire que le monde fonctionne sur des bases humaines: le Soleil “veut” se lever le matin et il est marié à la Lune. Il est aussi fondé sur l’idée que “si je conçois X alors X existe ou X est vrai”. Si dans un rêve j’ai vu des êtres venant d’une autre planète, c’est que, réellement, il y a des êtres venant d’une autre planète qui sont venus me visiter.
  2. Rouge: La seconde des visions spirituelles, ce sont les Dieux de pouvoir, qui sont en fait des archétypes psychiques que nous projetons sur le monde: Il y a le dieu du commerce, de l’amour, des moissons, etc.. et ces dieux sont des intercesseurs vis à vis du monde phénoménal. L’intuition profonde, c’est l’existence de ces forces qui sont à l’oeuvre en nous et qui fondent notre rapport au monde. L’erreur c’est de croire qu’ils ont une existence objective et que, par nos dévotions et nos sacrifices, ils nous écoutent et agissent pour notre bien. Bouddha, a rejeté cette vision des choses, en considérant d’ailleurs que les divinités elles aussi étaient liées à la grande roue de la Vie..
  3. Bleu: La troisième est celle des religions dogmatiques. C’est celle qu’explique R. Moss dans son livre: la réinterprétation des visions des mystiques en termes de devoir: “tu dois aimer ton prochain!!” et si tu ne le fais pas, tu seras puni! Pauvre Dieu qui est ainsi transformé de Dieu d’amour en Dieu de punition, comme un vulgaire archétype du courant précédent..
  4. Orange: La quatrième c’est d’abord de projeter les lois sociales dans le monde (les lois physiques) comme s’il y avait un créateur qui avait produit ces lois, puis ensuite c’est de supprimer tout créateur.. En gros, il n’y a plus que les lois physiques qui tiennent comme cela en l’air, une sorte de super-machinerie dont on peut expliquer les rouages mais dont on n’arrive pas à comprendre ce qui fait qu’elle soit là. Comme le disent la métaphysique: “pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?”. ça c’est un miracle, mais cette question est éliminée au quatrième niveau, car on a peur, à ce niveau là, que l’on revienne au dogmatisme précédent.
  5. Vert: Au cinquième niveau, l’intuition profonde c’est l’harmonie, le fait que toutes choses soient liées les unes aux autres, et en cela, ce niveau réintroduit souvent la magie (c’est ce qu’on appelle la vision “new age”), que toute vie doive être considérée comme importante. Mais en même temps, à ce niveau, on pense encore en termes de “moi”. De ce fait, on est facilement blessé par des paroles ou des actes, on est révolté par des comportements d’exploitation, des harcèlements, des comportements asociaux ou des individus profitent de leur statut de dominant pour imposer leur volonté à d’autres. De ce fait, le monde est encore vu en termes de bien ou de mal, sans prendre en compte la globalité du monde.
Le passage au deuxième cycle de la Spirale constitue le passage au 2ème miracle dont parle R. Moss. Pour C. Graves, celui qui créé les bases de la Spirale Dynamique. Dans le premier niveau, Jaune, cognitivement on s’ouvre au fait que nous sommes avant tout nos croyances sur le monde et qu’il y en a d’autres et que ces croyances peuvent être vues dans une perspective d’évolution.. Si on pense encore à partir de notre ego, on a de plus en plus “d’insights” d’une autre manière de voir les choses. Cela arrive sous la forme d’instants fugaces, de visions très éphèmères où l’on a l’impression d’avoir tout compris en une seconde, mais sans arriver à se souvenir de ce que l’on a vu.. Dans cette phase, on voit de plus en plus tout l’aspect systémique du monde. Et dans les niveaux suivants, la Vision s’approfondit, l’ego se mettant de plus en plus au service de ce second miracle qui intègre le collectif et le vivant dans son ensemble comme faisant partie de lui.

C. Graves écrivait dans un article “ Human Nature Prepares For a Momentous Leap” (j’ai juste remplacé les lettres qu'utilisait Graves pour parler des niveaux par les couleurs de la SD):
“The psychological keynote of a society organised according to Yellow thinking will be freedom from inner compulsiveness and rigidifying anxiety. Yellow man, who exists today in ever increasing numbers, does not fear death, nor God, nor his fellow man. Magic and superstition hold no sway over him. He is not mystically minded, though he lives in the most mysterious of "mystic" universes. The Yellow individual lives in a world of paradoxes. He knows that his personal life is absolutely unimportant, but because it is part of life there is nothing more important in the world.
Yellow man enjoys a good meal or good company when it is there, but does not miss it when it is not. He requires little, compared to his Orange ancestor, and gets more pleasure from simple things than Green man thinks he (Green man) gets. Yellow man knows how to get what is necessary to his existence and does not want to waste time getting what is superfluous. More than Orange man before him, he knows what power is, how to create and use it, but he also knows how limited is its usefulness.
That which alone commands his unswerving loyalty, and in whose cause he is ruthless, is the continuance of life on this earth.”
Et C. Graves écrivait cela dans les années soixante début soixante-dix, en essayant, intuitivement de comprendre le mode de pensée qui allait constituer le prochain niveau pionnier dans le développement humain. C’est à partir de cette humilité et de ce détachement de Jaune, qui ne s’intéresse qu’à la préservation de la Vie, que peut se produire le Deuxième Miracle que j’aurais plutôt tendance à associer directement à Turquoise dans SD (mais bon, c’est juste mon impression. Il faudrait la corroborer avec d’autres chercheurs qui à la fois connaissent la Spirale et ont eu ces insights profonds d’éveil, et il n’y en a pas tant que ça. Dès que j’ai du nouveau, je vous le signale sur ce blog).

Dans les niveaux du premier cycle, du Premier Miracle, comme l’écrit R. Moss
“Pour notre conscience du Premier Miracle, la souffrance est une chose finie avec des causes finies, et nous nous imaginons que le Salut pourra nous venir de la religion, ou de la méditation, de la science, la médecine, la pensée positive... toute panaéce bonne à pallier la misère et l’angoisse de notre moi du Premier Miracle à jamais fragilisé.. Ce n’est pas que toutes ces choses ne puissent, provioirement, alléger la souffrance: c’est qu’elles ne peuvent pas nous sauver. Il existe une dimension lus profonde à la souffrance, et elle est acausale: elle est part et partie de notre incarnation en évolution. Notre ego ne peut guérir cette souffrance à sa source.”
Il me semble que c’est certainement quelque chose comme ça qu’a voulu nous transmettre Bouddha avec les Quatre Nobles Vérités (le monde est souffrance, etc..) et qu’ensuite, il a essayé de trouver les moyens nous permettant de faire le chemin, sans passer par toutes les étapes qu’il avait vécu. Le problème n’est pas la douleur, mais la manière dont nous vivons notre rapport au monde qui transforme les événements de Vie en souffrance. La maladie et la mort, par exemple, sont des événements de Vie. Quoi que l’on fasse, ils font partie de la Vie depuis que le monde est monde. Mais pour le moi, c’est insupportable! Tout mais pas la mort pourrait être le credo du moi.. Il faut la nier, la supprimer de son regard. Et si par hasard, on ouvre son esprit à partir de la perspective du moi, c’est l’horreur du monde que l’on prend en plein dans le visage... Meutres, viols, trahisons, blessures et meurtrissures que l’on inflige aux autres mais que l’on s’inflige aussi à soi-même sous la forme de honte et de culpabilité, quête de plaisirs dérisoires qui amènent d’autres souffrances, recherches d’honneurs éphémères et vains, désirs de contrôles et de domination pour mieux masquer nos peurs, et notamment par dessus-tout, la peur de la maladie et de la mort.. C’est le visage du Samsara, du monde ici-bas tel qu’on peut le contempler depuis la perspective du moi, lorsqu’on ose regarder autour de soi..

Quelques grands philosophes, et notamment Schopenhauer, ont vu cette atrocité du monde.. Il y a quelques années, un ami m’avait dit avoir vu le monde ainsi, comme un “rouleau compresseur” terrible de la Vie. C’est Kali... Cela l’avait refroidi, et il a eu peur, ensuite, de reprendre contact avec cet absolu, qu’il a pris comme étant la Réalité..
(Note: on peut lire “Le principe de Lucifer” à cet effet, pour bien comprendre en quoi la Vie est effectivement terrible de ce point de vue. Pendant un ou deux ans, chaque fois que je m’ouvrais à l’humanité, je voyais le monde depuis ce point de vue, ce qu'exprime très bien Jacques Brel avec ses chansons, “Les Vieux”, “ces gens là”, “ne me quitte pas” ou “Mathilde” notamment, où il a su retraduire ce regard, cette sensibilité à l’humanité. Je remercie ici Sudheer de m’avoir ouvert le coeur avec J. Brel qui avait pourtant bercé toute mon enfance).

Cette première ouverture du coeur, cette vision de l’enfer sur terre, ouvre à la compassion. C’est terrible de vivre la souffrance de l’humanité.. Cela m’est arrivé, le coeur en larme, de maudire Dieu, de lui demander pourquoi il m’avait placé ici dans ce monde pour vivre ce cauchemar sans issue. Comme la vie de Schopenhauer a dû être triste!!

Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Car au milieu de cette horreur, il y a le feu de l’amour qui peut poindre.. Cela peut commencer comme un simple rougeoiement, une lueur minuscule qui se trouve juste au milieu de cette désolation, de ce Samsara.. Cela s’exprime comme une sorte de nostalgie, une chaleur intérieure et puis cela enfle pour emplir l’être et le monde de sa chaleur (Ecouter “la quête” de J. Brel ou “Quand on n’a que l’amour”).. et parfois quand cet amour s’ouvre pour tous nos frères et soeurs humains, ou tout simplement parce que le mental s’arrête et qu’une intuition nous fait sentir que nous sommes partie intégrante de cette vie, que nous avons la chance de pouvoir expérimenter l’existence, alors nous entrons dans un autre espace, différent du premier, où la vision d’horreur s’arrête. C’est la perspective du Deuxième Miracle, où l’on perçoit que tout cela c’est seulement la Vie qui se cherche dans son chemin collectif vers la conscience, seulement la Vie qui nous réunit tous en elle avec amour, car nous sommes juste une partie d’elle. Quand le lion mange la gazelle, c’est la Vie qui se mange elle-même, qui vit dans cet acte.. Et les atrocités de l’histoire, à ce niveau absolu font partie aussi de cette marche d’évolution.. Alors, il n’y a plus que l’amour envers tous et toutes qui sont en fait d’autres moi, puisque à ce niveau “moi” n’existe plus, il n’y a plus que “cela” dont mon corps et mon âme sont une partie.. A ce niveau, pour moi, c’est Elohim qui me vient à l’esprit: le nom de Dieu qui est à la fois pluriel (Elohim est le pluriel de El, l’un des noms de Dieu dans la Torah) et singulier (il est utilisé dans la Torah comme s’il s’agissait d’un singulier). C’est le paradoxe absolu, au-delà de toute compréhension logique, mais plus vrai que la réalité du Premier Miracle.. A ce niveau là, dans cet espace là devrais je dire, l’amour envers l’autre n’est plus un problème, car il n’y a plus que de l’amour puisqu’il n’y a plus de différence.. Simplement deux bourgeons sur le même arbre de la Vie... et l’Amour emplit tout.. Vacuité, union, shunyata, hors temps et amour inconditionnel.. (pour se mettre dans cet état, écouter notamment la musique de Levon Minassian “Songs from a world apart”)

Mais comme le dit R. Moss:
“La causalité s’arrête dès que nous prenons l’infini pour référence: il n’y a plus ni victime, ni bourreau. Que nous le reconnaissions ou pas, chaque instant est une nouvelle naissance et ce qui naît n’est pas seulement le produit du passé, pas seulement l’effet de quelque cause antérieure, mais plutôt une part d’un cosmos en révélation permanente. L’univers et les êtres humains sont une révélation en train de se produire. [...] Certes nous souffrons, mais nous ne sommes pas seulement des victimes. Nous sommes ce qui se transforme dans la souffrance. Rien n’est figé: tout est en devenir, en évoluiton. [...] Le Présent est toujours prêt nous surprendre par un mouvement et une possibilité que nous n’aurions jamais vraiment imaginés et ne pourrons jamais pleinement contrôler. C’est précisément ce qui nous terrifie – et toute la bonne nouvelle. [...] Nous ne sommes pas seulement “cet aspect de la Nature qui prend conscience d’elle-même”. Nous sommes cet aspect de la Nature qui est en train d’apprendre à adorer le mystère de l’existence, en train d’apprendre à S’aimer [avec un ‘S’ majuscule]”.
Bon, tout cela fait un grand billet avec beaucoup de choses mises en vrac.. et certaines parties n’ont pas été faciles à écrire, car elles m’ont replongé dans l’horreur de cette vision du Samsara..

Jacques Ferber

samedi 19 septembre 2009

Un monde désanchanté?

Le monde dans lequel on vit est-il de plus en plus désenchanté? va-t-on vers une déshumanisation progressive de notre vie, marquée par l’individualisation massive et la prépondérance des explications techniques et scientifiques d’une part ou un retour à la magie d’autre part. La Spirale Dynamique et l’approche intégrale de Wilber nous apporte un éclairage fondamental en mettant en avant l’aspect évolutif de notre façon de voir les choses. Beaucoup d’auteurs n’ont pas cette approche évolutive, et sont souvent “coincés” dans leur vision du monde en ne comprenant qu’une partie du puzzle.. Il en est ainsi de deux grands penseurs dont j’adore le travail: Marcel Gauchet et Luc Ferry. Leur travail nous permet de mieux comprendre certaines parties de cette évolution et ainsi d’avoir une vue plus globale du monde...

Ainsi Marcel Gauchet nous donne une vibrante vision de la manière dont le courant normatif-hiérarchique (Bleu dans la Spirale) fait place au courant indivualiste-rationnel (Orange). C’est peut être l’un des plus grands observateurs de cette transition entre ces deux stades de développement (même si je ne suis pas sûr qu'il voit son travail de cette manière). De ce fait, je pense qu’il est intéressant de le lire. Il écrit dans Un monde désanchanté? (p138):
Le phénomène ne manque pas d’être paradoxal, puisque cette dernière période peut être caractérisée par la débandade de ce qui survivait des partis religieux de l’hétéronomie et le triomphe du principe métaphysique de l’autonomie humaine. Personne ne doute plus parmi nous, y compris le croyant le plus convaincu, que le lien de société qui nous tient ensemble ne soit l’oeuvre des hommes et d’eux seuls, sans même de raison dans l’histoire pour le porter. Les crypto-religions du salut politique [NB: le communisme par exemple] n’ont pas été moins atteintes, de ce point de vue, que les grandes religions constituées. [..]
Ce quelque chose qui se dérobe à nous, et que nous devions, à mon sens, à l’héritage des religions, c’est ni plus ni moins ce qui qui nous permettait d’appréhender nos sociétés comme des ensembles cohérents et d’envisager d’agir globalement sur elles pour les transformer de manière concertée[..].
En d’autres termes, Marcel Gauchet nous fait part de cette transformation allant du collectif à l’individuel, cette vision collective étant marquée par la religion et la transformation portant finalement essentiellement sur la lente désaffection du religieux. Marcel Gauchet nous propose alors l’une des formulations les plus brillantes du niveau Bleu de la Spirale tel que ce niveau s’est incarné dans le monde occidental:
Nous aurons eu cinq siècles de transition moderne, 1500-2000, dates rondes, cinq siècles durant lesquels la lente rupture avec l’ordre des dieux s’est coulée dans une forme religieuse maintenue du lien social. La définition explicitement extra-religieuse de la cité des hommes s’est étayée sur des fondements implicitement religieux. La construction de plus en plus autonome de son organisation a continué de reposer sur une structuration d’origine hétéronome, certes de moins en moins consistante, mais toujours obstinément subsistante jusque voici peu. [..]
Je ne saurais prétendre exposer en quelques phrases la nature et la teneur de ce mode de structuration religieux. Je me limiterai à souligner sa prégnance, à la base du projet moderne, sous trois aspects fondamentaux: tradition, appartenance, hiérarchie [..]

C’est ce compromis organisateur entre contenu autonome et forme implicitement dérivée de l’hétéronomie qui s’est dissous avec l’épuisement de ce lges de l’âges des religions. Voici ce que nous devions à l’héritage immémorial des religions: d’avoir pouvoir sur notre monde et d’être en mesure d’ambitionner davantage de pouvoir encore. Voilà ce que nous avons perdu.
Emancipation, dépossession
En un sens, nous avons achevé de recouvrer le pouvoir sur nous mêmes. Sauf que cette ultime conquête métaphysique a pris un visage social inattendu. Elle a achevé d’émanciper les individus. Elles les a affranchis de ces encadrements qui perpétuaient l’empreinte de l’ordre religieux au milieu d’une société sécularisée. Elle les a délivrés de ce qui pouvait subsister de contraintes envers des traditions. Elle les a déliés de ce qui pouvait leur faire obligation envers des collectifs de référence, de la famille à la Nation. Elle les a dégagés de la révérence hiérarchique et des liens d’obédience envers l’autorité, même consentie. En un mot, elle leur a donné, ou elle tend à leur donner, les pleins pouvoirs sur eux-mêmes. Mais ce faisant, elle a vidé de substance la perspective d’un pouvoir collectif.
Nous jouissons ‘une liberté inégalée de nous gouverner nous-mêmes chacun dans notre coin et pour notre compte. Mais l’horizon du gouvernement en commun, lui, s’est évanoui. [..] Nous ne pouvons plus guère imaginer l’action historique que comme la résultante d’une myriade d’initiative dispersées, toutes légitimes et toutes fermement décidées à ne rien céder sur leur indépendance. Nous ne pouvons plus imaginer la coexistence humaine, en d’autres termes, que sous les traits d’un marché généralisé, comme le seul mode de réalisation de la compossibilité entre des libertés égales. [..] Cette dépossession qui ne vient pas d’abord de l’extérieur, mais qui sourd du dedans de notre propriété de nous-mêmes, n’est-ce pas pourtant le vrai nom de la déshumanisation du monde?


Dans toute l’oeuvre de Marcel Gauchet, il y a quelque chose d’enraciné, de simple et directement compréhensible. Cela tient peut être à son origine rurale, où le bon sens est roi, par opposition au milieu plus “parisien” où il est de bon ton de donner l’impression que l’on est brillant, et où l’obscur veut se faire passer pour intelligent. Toujours est il que l’oeuvre de Marcel Gauchet est pour moi l’une des explications les plus profondes et les plus claires du passage du courant Bleu à Orange, avec, on le sent dans on style, comme un certain regret de la perte des valeurs collectives.

Ce qui est important à noter c’est que le passage de Bleu à Orange ne s’est pas fait un instant, ni même en quelques dizaines d’années. C’est une lente transformation des idées, des moeurs et des structures sociales, jusqu’à l’aboutissement depuis quelques dizaines d’années à une autonomie totale de la sphère individuelle. C’est d’ailleurs sur cette autonomie individuelle que peut prendre racine le courant empathique-pluraliste (Vert) qui arrive ensuite. C’est, paradoxalement pourrait on dire, à partir de l’individu roi, qu’il est possible de définir un rapport à autrui qui ne soit plus fondé sur une vision collective a priori, sur une simple appartenance à une grande communauté (église, patrie, partie) mais sur le fait que je me reconnais dans l’autre, ce qu’avait magistralement compris Martin Guber et d’Emmanuel Levinas notamment. C’est parce que l’autre est réellement un sujet, que je peux passer à la vision “constructionniste” qui consiste à dire que je n’existe pas sans toi et tu n’existes pas sans moi. Nous nous “co-créons” l’un l’autre dans l’interaction face à face, “visage à visage” plus exactement. Quoique centré sur le versant collectif de la Spirale (sacrifice de soi disent les tenants de la Spirale), le courant Vert prend sa source dans l’individuel qu’il remet en question, comme le courant rationaliste-individualiste (Orange) a pris sa source dans le système religieux collectif Bleu pour le remettre en question.

Dans le livre Le Religieux après la religion, Luc Ferry discute avec Marcel Gauchet de leur différence et de leur points de convergence. Globalement, ils semblent d’accord sur l’essentiel, la baisse du religieux comme hétéronomie et l’avénement de l’individu. Mais il existe une différence entre les deux. Il me semble qu’alors que Marcel Gauchet s’arrête sur ce constat, Luc Ferry voit les conséquences spirituelles de l’avénement de l’individu-roi, de l’Humain-Divin comme il le dit. Même si je trouve sa pensée plus touffue et moins rigoureuse que celle de M. Gauchet, j’ai un peu l’impression qu’il commence à voir poindre le passage Orange-Vert en montrant comment le religieux change en fait de nature, et comment c’est l’humain qui devient divinisé, avec ses aspects sains (la reconnaissance de l’individu comme support du choix et des décisions concernant sa vie, le caractère presque sacré de l’intégrité physique et psychique de l’individu) et pathologiques (compétition à outrance, vision causale à court terme, exploitation de l’environnement et des individus).

Par contre, à la différence de nombreux évolutionnaires (tels que Wilber, Teilhard de Chardin, Bergson, Andrew Cohen, Sri Aurobindo et bien d’autres..), il prétend que le religieux n’est pas une disposition naturelle de l’homme. Evidemment, si religieux est défini soit comme une référence à une certaine forme sociale caractérisée par un clergé, soit comme une hétéronomie du divin (Dieu à la seconde personne), il est clair que le “religieux” est daté et correspond à une époque. Si en revanche on appelle religieux ou spirituel, l’élan par lequel l’être humain cherche à donner un sens à sa vie en considérant qu’il existe quelque chose qui dépasse son existence ordinaire, alors je pense que le religieux est une disposition naturelle de l’être humain, et même constitue l’un de ses aspects les plus fondamentaux : c’est en effet il y a environ 100 000 ans que l’humain aurait construit des sépultures, manifestant ainsi sa prise de conscience de la mort et cherchant à lui donner sens. Il me semble donc important que le spirituel soit totalement intégré à une vision du développement humain. Et pour l’instant l’approche de Wilber, malgré certaines de ses limitations et surtout malgré son travail actuel qui consiste à simplifier à outrance sa vision (cf. ce billet rapide sur son “livre de la vision intégrale”), me semble l’une des plus intéressante pour appréhender cette évolution (lire en particulier sur ce blog le billet portant sur son livre “le projet Atman”).

Mais tout cela mériterait un autre billet...

Jacques Ferber

jeudi 3 septembre 2009

Quelques questions sur la Spirale et l'approche Intégrale

J’ai reçu un commentaire d’un ami qui me posait quelques questions sur la Spirale Dynamique et l’approche intégrale (que je ne veux pas distinguer ici même s’il existe des différences). Voici des éléments de réponse qui peuvent être des supports de réflexion.

Question 1: Le parallèle entre développement de la société et développement individuel est certes intéressant, mais au delà de l'analogie qu'est-ce qui pourrait théoriquement relier ces développements?

D’abord, cette question vient du niveau Orange, puisqu’elle a besoin d’une confirmation théorique, scientifique.
Ce parallèle entre individuel et collectif vient de plusieurs auteurs, notamment Jean Piaget que j'ai beaucoup lu plus jeune et qui a inspiré toute ma carrière. Cette idée vient de la biologie qui montre que le développement de l'embryon suit globalement les étapes évolutives qui ont amené à cette espère (pour simplifier on dit que l’ontogenèse récapitule la phylogenèse). L'être humain passe d'abord par les étapes de poisson, batracien, mammifère, etc.. jusqu'à l'être humain. Piaget a généralisé cette vision au développement cognitif humain. D'autre auteurs (Kohlberg notamment) ont montré que les stades moraux individuels se retrouvaient dans l'évolution collective. Mais il ne faut pas prendre ce lien entre individuel et collectif de manière trop restreinte. Il n’y a pas de réelle “preuve” de la récapitulation par l’individuel du développement collectif, mais plutôt d’un ensemble d’éléments qui tendent à penser que l’on peut utiliser ce paradigme. Mais d’autres auteurs ne sont pas du tout d’accord sur cette vision de voir les choses (sans vouloir non plus enfermer tout dans les cases de la Spirale, il est clair que Bleu et Vert ne soutiennent pas beaucoup la pensée évolutive: Bleu, parce que l’ordre du monde est statique, et Vert parce que cela introduit une hiérarchie. Orange est OK pour l’évolution mais en y plaçant une idée de “meilleur” du point de vue compétitif. C’est par exemple l’évolution darwinienne très orange, fondée sur la sélection reproductive des individus les plus adaptés à leur environnement (fitness))

Mais essayons de comprendre. Dans une vision développementale, les niveaux n+1 sont nécessairement souchés sur les n niveaux précédents. Un peu comme en informatique où l'on retrouve ces systèmes stratifiées dans toutes les architectures logicielles et matérielles et où les couches supérieures sont fondées sur les couches inférieures. Cela ne signifie pas qu'une couche est "meilleure" qu'une autre, simplement qu'elle traite des problèmes qui sont situés à son niveau. Par exemple dans les réseaux informatiques, on peut faire toutes les plus belles applications distribuées du monde, il faut des câbles et des liaisons physiques, des algorithmes de transports et de routage, etc... Toutes les couches sont nécessaires, elles sont posées les unes sur les autres et la couche du dessus a besoin de la couche du dessous pour exister. Le toit a besoin des murs qui a besoin des fondations. Facebook et Meetic ont besoin de toute l'infrastructure d'internet, de toutes les capacités des langages de type PHP et autres pour exister. On peut utiliser cette analogie pour comprendre pourquoi il n'y a pas de niveau meilleur qu'un autre dans la Spirale ou dans la pensée intégrale: chaque niveau répond à des conditions de vie différentes. Les niveaux dits “supérieurs” (qui n’ont rien de supérieur sur le plan des valeurs, on pourrait tout aussi bien les appeler niveaux “tardifs” parce qu’ils apparaissent ensuite) émergent des conditions de vie issues des problèmes posés par les niveaux inférieurs que ces derniers ne savent pas régler à leur niveau.

Lorsque tout le monde se tape dessus (Rouge pour simplifier), soit il y en un qui gagne, et c’est un empire qui suppose un contrôle extrêmement fort sur tout le monde, soit apparaît une autre vision qui s’en remet à un ordre transcendant pour expliquer l’ordre du monde (Bleu). En terme d’auto-régulation sociale (capacité d’une société à se réguler pour survivre et se développer), c’est beaucoup plus efficace. Le niveau Bleu apparaît alors comme une réponse aux conditions de vie, elles mêmes issues du mode de fonctionnement de Rouge et résout certains des problèmes que pose Rouge (en particulier en pacifiant les relations de domination au travers d’un ordre transcendant)... tout en posant d’autres problèmes à la longue (dogmatisme, contraintes sociales très fortes, faible efficacité, etc..) qui ne pourront être résolues que par un passage au niveau suivant.

Sur le plan individuel, l’individu part du niveau 0. Il a toutes les possibilités de tous les niveaux. Mais comme pour le développement collectif, il va falloir que le niveau n émerge du niveau n-1. Comment peut il le faire? parce que l’environnement dans lequel il évolue est porteur de tous les niveaux jusqu’à n. Mais d’après certains auteurs (Piaget et suivants, Kohlberg encore et d’autres souvent cités par Wilber) les capacités cognitives (et morales et relationnelles, etc..) d’un individu ne se développent au niveau n que si les capacités de niveau n-1 sont déjà là.. C’est Wilber qui a mis en correspondance les différentes stratification des auteurs développementaux en montrant qu’ils sont globalement les mêmes. Certains auteurs mettent 6 niveaux, d’autres 8, d’autres 5, mais globalement un individu passe toujours par ces niveaux, dans son développement, dans le même sens, qui correspond à ce que Piaget appelle une décentration du monde. On voit les choses avec une perspective de plus en plus large, de moins en moins centrée sur son nombril.

Question 2: vous avez beau répèter qu'il n'y a pas de jugement de valeurs entre les niveaux de développement, je ne peux m'empêcher, comme d'autres j'en suis sûr, de vouloir devenir un jaune, mais comme je suis un orange, voire orange inférieur un peu attardé sur le bleu et le rouge, je vous en supplie ne me faîtes pas passer par la case vert, ou très rapidement puisqu'apparemment c'est obligatoire. Là aussi c'est une découverte sur moi-même: pourquoi cette aversion pour le stade vert?

Il est un peu logique que, de nos jours, il y ait une tendance vers Jaune, car le monde pose des problèmes (pollution, réchauffement climatique, surpopulation, manque de ressources naturelles, développement économique des pays émergents, guerres au moyen-orient et crispation islam-occident, globalisation des communications et des échanges économiques, etc..) qui réclame un mode de pensée plus global que celui des trente glorieuses par exemple. De nos jours, on demande (plus exactement certains groupes sociaux réclament) à un adulte de savoir se comporter avec les autres, d'être capable de manipuler quelques abstractions, d'être sociable, de ne pas se mettre en colère, d'être un leader en sachant animer une équipe, de savoir se prendre en charge tout seul. Mais cela nécessite qu'il ait compris la notion de loi (Bleu), qu'il ait un minimum de raison et d'individualité (Orange), qu'il sache dire "nous allons les vaincre" lorsque cela est nécessaire (Violet-Rouge), d'avoir de l'empathie pour ses collègues qui pètent un câble (Vert), etc. Toutes ces qualités s'acquièrent au fur et à mesure: créer des liens relationnels et des “tribus/familles” facilement (Violet), avoir une bonne confiance en soi (Rouge), avoir du courage pour affronter les épreuves sans se plaindre (Rouge), savoir donner des ordres et obéir à ses supérieurs hiérarchiques (Bleu), savoir faire preuve de discernement et de leadership (Orange), savoir se mettre à la place des autres en étant doué d’empathie (Vert), en écoutant l'autre sans passer dans le mode contre-argumentatif (Vert), etc.. et savoir jongler avec tout cela de manière à suivre son propre chemin de vie fondé sur une éthique intérieure sans chercher à être le meilleur (Jaune).

Je trouve que les séries américaines sociales, montrent un monde américain très Orange-Vert. (dans la transition Orange vers Vert) Par exemple dans Grey's anatomy (trop génial!), le monde de l'hopital est très Orange (réussite, efficacité), mais il y a aussi quelques éléments de passage vers Vert qui s'exprime aussi dedans (ouverture à l'autre, empathie pour les patients, alors qu'ils ne devraient pas..), avec aussi des modes de pensées issus du Bleu (politesse, respect des traditions et de la famille au sens conventionnel du terme)... Le scénario, lui, est écrit à partir d'un point de vue plus Vert, car il prend une certaine distance, en montrant toute la relativité de chacun des choix de vie (il n'y a pas de “bon” mode de comportement, sauf quand on ne respecte pas l'autre. Dans ce cas on peut mourir ☺). Bon, c'est ma lecture, ce n'est pas la vérité et on peut avoir une autre lecture de cette série (quel niveau parle en moi quand j'exprime cela? )

En ce qui concerne les niveaux, j’ai essayé de montrer qu’il n’y avait pas de jugement de valeur intrinsèque. Mais par contre les niveaux eux-mêmes se jugent entre eux. Et Orange, en bon gagnant, prédispose à vouloir être toujours dans le niveau le plus haut. Seulement, ce qui montre que l’on est en Orange c’est effectivement souvent qu’on a une aversion pour le Vert ☺
(Et Vert a tendance a ne pas aimer tous les niveaux avant lui, mis à part Violet qu’il met sur un piédestal et qu’il confond un peu avec Turquoise) Tous les Oranges voudraient être jaune sans passer par le Vert... ☺. Cela prouve d'abord que Orange n'a pas bien compris Jaune, mais pourquoi Orange a-t-il peur de Vert qui pourtant vient après lui? Parce que:
  1. Il faut sortir de l’idée qu’il y a une vérité, une manière optimale et rationnelle de faire les choses.. Pour Vert, il y a plein de point de vue, et tous les points de vue sont équivalents.. Il faut passer par un point de vue relativiste.. Le soleil n’est pas Jaune ou Rouge, cela dépend du point de vue que l’on a sur lui..
  2. Il faut sortir du point de vue objectif pour entrer dans la subjectivité: aller à l’intérieur de soi, voir les racines de ses jugements, de ses actes, de ses désirs et aversions.. Cela réclame un très grand courage d’aller dans cette zone qu’Orange déteste et voudrait toujours mettre en chiffes et en analyse...
  3. Il faut dépasser l’hégémonie du cerveau gauche analytique, pour s’ouvrir à une vision plus globale, plus analogique et intuitive... Mais là c’est très effrayant pour le scientifique qui tout d’un coup, n’a plus de soutien rationnel et logique..
  4. Vert constitue aussi un retour du corps vécu, alors que Orange fait tout pour considérer le corps comme une machine que l’on possède et que l’on essaye de faire fonctionner de manière optimale (être jeune et beau pour rester dans la compétition de la séduction).
  5. d’une manière générale, Vert est le niveau du « lâcher prise » de l’ici et le maintenant, par opposition au monde de l’action fondée sur des objectifs d’Orange, qui planifie pour atteindre un but. Vert c’est l’opposé du « plan de carrière ».. On n’a qu’une seule vie.. Elle est trop courte pour faire des plans pourrait on dire depuis Vert.

Et tout cela fait peur à Orange.. Donc, en général, on passe à Vert parce qu’on y est poussé. En général parce qu’on en a marre d’être dans un système qui manque de sens, uniquement orienté vers la compétition et l’efficacité, et qui manque d’humanité et de sens (c’est Orange quand il devient extrême et pathologique ce qu’on voit beaucoup en ce moment). Alors on se dit “à quoi bon tout cela”. Cela peut s’exprimer aussi bien lorsqu’on est au sommet et que l’on a tout eu (cf. Bill Gates qui est parti dans sa fondation à la suite d’une prise de conscience, ou d’autres grands managers qui tout d’un coup se posent des questions sur leur vie), ou au contraire parce qu’on a été rejeté du système (licenciement) et qu’on en profite pour se poser des questions sur le sens de sa vie. Et Vert apporte des réponses dans les deux cas (les autres niveaux aussi et l’on peut très bien revenir à des positions antérieures de type Bleu, voire Rouge, ce que l’on voit lors des votes par exemples).

Jaune a besoin de tous les niveaux précédents, (Beige, Violet, Rouge, Bleu, Orange et Vert), car il fonctionne sur un mode intuitif en tenant compte autant de ses ressentis (qui ne peuvent apparaître qu’à partir du moment où l’on va vraiment regarder son intériorité) que de la logique. Et sa vision est intégrative. Elle n’est plus causale, mais circulaire, en prenant en compte les boucles de régulation. En gros, sa pensée est systémique dans tous les aspects de la vie (et pas seulement systémique-analytique, comme on le fait dans la théorie des systèmes). Elle intégre la vision en avance (ce n’est plus une vision centrée sur des « projets » à partir d’un objectif, mais sur une vision du futur) et l’ici-et le maintenant, le lâcher prise et l’action qui part du centre de l’être, sans remettre en cause le rationnel qui devient un outil au service de l’être et non plus le seul moteur. Jaune intègre la méditation, la gastronomie et la raison pour prendre une décision. C’est pourquoi il est INDISPENSABLE d’intégrer Vert (et les autres couleurs, Violet, Rouge et Bleu notamment) pour aller à Jaune.. Le tirage de cartes de tarot (Violet) n’est plus contradictoire avec l’analyse statistique de données (Orange) pour prendre une décision: les deux sont nécessaires..

Ceci dit, pourquoi aller à Jaune? S’il n’y a pas intérieurement quelque chose qui te pousse à sortir d’Orange? On vit très bien à tous les niveaux de la Spirale, si les conditions de vie sont OK. Les chinois qui accèdent à Orange avec les biens de consommation sont très heureux, et n’ont aucune envie d’aller à Jaune.. Rien ne sert de provoquer. Quand l’appel du niveau suivant se fait, quelque chose bouge en nous et le monde change de saveur, notre perspective sur la vie se modifie... Si on sent cet appel, c’est très bien, sinon c’est très bien aussi.. Le changement de nos perspectives ne dépend pas de notre volonté, mais de processus internes inconscients auxquels nous n’avons pas d’accès direct. Il est aussi vain de vouloir devenir Jaune que de voir l’infra-rouge.. Cela se fait naturellement quand les conditions externes (conditions de vie) et internes (prises de conscience) sont réunies..

Question 3: Est ce que le passage à Vert apporte quelque chose?
Vert apporte notamment la dimension du subjectif, c’est à dire celle du psychologique, du ressenti, de l’intériorité.. Voici un extrait d’un interview pour Nouvelles Clés de Christophe André, spécialiste des états d’âmes et auteur du livre : Les états d’âme (éd. Odile Jacob). Je trouve cet extrait intéressant pour expliquer l’apport de Vert à la fois individuellement et collectivement:
De même qu’il y a eu des hommes préhistoriques, avant les civilisations, de même ont existé, et existent encore, des hommes prépsychologiques, pour qui tout ce nous disons ici ne correspond à rien. Du moins à rien de conscient. Il ne faut pas remonter loin. Je parle tout bonnement de mon père et de beaucoup de nos contemporains d’avant les années 60-70, dont l’existence était exclusivement tournée vers la survie matérielle. Pour ceux-là, hommes et femmes, se préoccuper de ses états d’âme aurait été considéré comme une marque à la fois de faiblesse et d’égoïsme. Cette résistance à toute forme de ressenti intérieur pouvait sans doute, à certains moments, leur donner plus de force - dans la logique du « marche ou crève ». Mais avec beaucoup d’illusions. Ce sont par exemple des gens qui mouraient souvent tout de suite après avoir pris leur retraite - quand ils en avaient une -, soudain assaillis par des états intérieurs dépressifs qu’ils ne comprenaient absolument pas.
[...] En un mot comme en mille, nous ne réalisons pas encore à quel point l’irruption de la psychologie, à partir des années 60-70, a enrichi l’existence de millions de gens, individuellement et collectivement. Car connaître et pacifier vos états intérieurs ne conduit pas seulement à un soulagement de vos souffrances et à un épanouissement de votre bonheur : c’est bon pour le monde entier.
Bien entendu, il ne s’agit que l’un des avantages de ce passage d’Orange à Vert. A noter cependant, qu’on ne peut s’intéresser à ses ressentis que si l’on n’a plus de problèmes de survie.. Et donc les niveaux précédents, en ayant pacifié nos pulsions (Bleu) et ouvert l’accès au confort et à l’aisance matérielle (Orange) permettent à Vert de fonctionner. Sans les niveaux précédents, Vert (comme tous les autres niveaux) s’effondrent.

Question 4: Mais par rapport aux problèmes mondiaux, que faut il faire? Est ce qu’une perspective intégrale est la solution?

En fait, chaque niveau de la Spirale apporte ses solutions..
  • Violet et Rouge ne voient pas les problèmes et continuent de vivre leur vie telle qu’elle a toujours été et telle qu’elle le sera toujours...
  • Bleu voit Orange comme le grand Satan, comme Babylone, et considère que les problèmes du monde sont le produit de notre impiété et de nos péchés. Il faut donc revenir à une vie plus pieuse et plus proche de la parole de Dieu, ce qui signifie ici plus proche des dogmes des églises, qu’elles soient Chrétiennes, Juives ou Islamiques notamment, mais aussi plus communiste aussi dans d’autres cas.
  • Orange cherche à résoudre les problèmes à partir de modèles scientifiques et pense que la technologie va sauver le monde. En attendant, Orange utilise la Spirale et l’approche intégrale de Wilber comme un outil pour être plus efficace, plus performant et faire des sous. En gros il s’accapare la Spirale et l’approche Intégrale, mais sans les comprendre profondément (ces approches sont issues de pensées du 2ème cycle qui commence avec Jaune).. Orange veut changer, mais pour lui, changement signifie réforme et modification de structures, mais sans changer réellement la manière de voir le monde, toujours aussi technique et orientée vers l’optimisation et le désir d’être le meilleur.
  • Vert prétend que si chacun savait mieux respecter l’autre, la planète serait sauvée. Il se méfie d’une vision économique du monde et a parfois a le désir de revenir à une vie tribale (Violet). En même temps, il déteste Rouge et a du mal à supporter Bleu et Orange et voudrait que tout le monde soit en Vert. Vert possède les prémisses des solutions, mais ne peut les mettre en place à grande échelle à cause de sa vision “à plat” et encore un peu idéaliste du monde (pas de hiérarchie, tout le monde devrait être Vert, c’est la souffrance qui crée la violence, etc.)
  • et Jaune surf sur tout cela, évoluant tel un caméléon au milieu de tout le monde, se sentant parfois un peu seul, cherchant à soigner ce qu’il peut en valorisant les aspects sains de tous les niveaux de la Spirale. Et il commence à bâtir de nouvelles organisations sociales, de nouvelles manières de penser, qui respecte autant que possible chacun des niveaux, tout en les intégrant dans une nouvelle manière de voir.. Pour ceux qui ont les niveaux du second cycle activés en eux, la Spirale ou l’approche intégrale ne sont pas des outils, mais un nouveau regard sur le monde, qui structure le regard que l’on peut avoir sur la Vie... et de nouvelles techniques d’organisation collectives (sociocratie, intelligence collective) peuvent émerger de cette vision..
Toutes ces réflexions ne constituent bien entendu que des éléments de réponse, qui ont bien entendu une validité limitée. Il ne s’agit plus de débattre (Orange), ni seulement d’écouter (Vert), mais de co-construire ensemble, en passant du “non, pas du tout, vous avez totalement tort” et “oui, mais” au “oui, et en même temps... ”

Jacques Ferber

samedi 8 août 2009

Est ce qu'on a le choix?

Une des questions philosophiques majeures concerne le statut du libre-arbitre. Est ce qu’on a le choix de nos actes? Je voudrais apporter ici quelques éléments qui montrent à la fois l'importance et la limite du libre-arbitre.

En général, quand on discute avec un ami, quand tout va bien, on voudrait croire que l’on a bien cette capacité à pouvoir décider de chacun de nos actes, que tout ce que nous faisons nous le voulons. Puis, si l’on est addict à un produit ou à une activité, on se rend compte rapidement que l’on est dépendant de ce produit ou de cette activité, sauf ceux qui veulent se leurrer sur eux-mêmes. Par exemple, les fumeurs qui vont chercher du tabac en pleine nuit à plus de 20km de leur domicile en disant que c’est pour le plaisir.. Il en est de même du désir sexuel qui nous pousse vers l’autre avec une force incroyable et à laquelle il est bien difficile de résister.

De ce fait, la psychanalyse avec l’inconscient d’une part, et les neurosciences d’autre part, montrent qu’en fait notre libre-arbitre est limité. On peut dire qu’on vit dans un espace de « tendances » de forces intérieures qui nous poussent dans un sens ou dans un autre. Lorsque ces forces ne posent pas de problèmes, c’est à dire qu’elles ne viennent pas en contradiction avec d’autres forces, elles nous mènent à une certaines satisfaction (par exemple manger un bon plat quand on a faim ou faire l’amour avec sa compagne/compagnon).

Au contraire lorsque plusieurs de ces forces sont en contradiction, on se sent écartelé entre plusieurs voix intérieures, dont certaines apparaissent comme angéliques et d’autres comme démoniaques, un peu comme dans les bandes dessinées de Tintin où l’on voit les tendances du devoir et des pulsions s’affronter). Nous somme ainsi le théâtre d’affrontements terribles, où différentes forces, incarnées par des “personnages”, chacun ayant sa voix intérieure, s’affrontent. C’est le démon qui affronte le devoir, l’enfant qui s’oppose au père, le licencieux qui tente de prendre le pas sur le sage.. Toutes ces voix sont alors les manifestations intérieures de toutes ces tendances psychiques, de toutes ces forces. Il est clair qu’il sera possible un jour d’expliquer tout cela sur le plan neuronal. Pour ma part je fais appel à certaines idées de M. Minsky et de D. Dennett: le cerveau est un ordinateur parallèle sur lequel un certain nombre de processus s’exécutent (en parallèle ou en séquentiel comme le mental), et ces processus (point de vue Extérieur dans AQAL de Wilber), nous apparaissent comme des personnages ou des forces qui s’affrontent ou s’allient (point de vue Intérieur dans AQAL).

Dans ce cas, où est le libre-arbitre? Et bien bizarrement, au milieu de tous ces affrontements, de toutes ces forces qui nous cherchent à nous pousser dans un sens ou dans un autre, il y a tout de même un “je” qui choisit. Parfois ce “je” laisse aller la pulsion, parfois il suit le devoir, parfois il suit le chemin du sage, etc.. mais dans tous les cas et dans toutes les situations, si l’on veut bien faire un réel travail de conscience, on se rend compte alors qu’il existe un tout petit endroit où “je” décide, où je laisse aller dans un sens ou l’autre les tendances. Dans ce théâtre homérique qu’est notre psychisme, dans cette mer tumultueuse de notre intériorité, il existe toujours (sauf si l’on est sous neuroleptiques) un endroit où nous décidons d’aller à droite ou à gauche, où nous écoutons certaines voix plutôt que d’autres.

Pour beaucoup, il existe une croyance “qu’on ne peut rien y changer”. Quelque part, c’est confortable. On n’est pas responsable de ce qui nous arrive, on subit ce qui se passe, et donc c’est pas de notre faute ce qu’on vit et ce qu’on fait... Mais cette approche nous coupe de nous mêmes, de cet endroit du ”je” où nous sommes profondément libre. De ce fait, lorsque “on ne peut rien y changer” on se vit comme prisonnier de la vie, comme subissant ce qui nous arrive, cherchant à glaner au dehors de nous un peu de réconfort. On cherche dans la drogue, le sexe, les gadgets, les fringues, etc.. un réconfort pour nous faire oublier notre situation misérable d’esclave. Et c’est juste cela le Samsara: le lieu des conditionnements que nous acceptons en croyant parfois qu’on est libre quand on ne fait que suivre une addiction et parfois qu’on “ne peut rien y faire” en se comportant en victime. Dans les deux cas, on reporte la faute de notre condition sur l’autre ou les autres: c’est le conjoint qui nous empêche de vivre, c’est la société qui nous exploite, ce sont les “grands de ce monde” qui complotent pour nous asservir. Ce qu’on ne veut pas voir c’est que c’est simplement nous qui avons abdiqué, que c’est nous qui avons choisi finalement d’être victime.
En réalité il n’y a qu’une issue qui est très bien développée par l’un des grands principes de la voie de l’éveil d’Andrew Cohen:
Renoncer profondément à être victime. Cela signifie que je suis auteur de tous mes actes et que j’en prend la responsabilité.

La phrase clé c'est: "j’ai le choix de mes actes et je prend la responsabilité de tout ce que je fais dans la vie"..

Tant qu'on ne prend pas la responsabilité de nos actes, en conscience, on reste dépendant et comme prisonnier du monde. Si l’on fait un réel travail sur soi, on se rend compte que depuis notre plus petite enfance, depuis que l’on a pu dire “je”, on a fait des choix: on a choisi d’être un bon garçon ou une bonne fille, on a choisi de se rebeller, etc.. Cela ne signifie pas que nous ayons à nous culpabiliser de nos choix, ce qui reviendrait à remettre une couche de boue supplémentaire sur notre vie (note: au lieu de nous libérer de nos conditionnement, on “adore” rajouter de la merde sur nos blessures en nous jugeant négativement. Mais cela ne fait que nous enchaîner encore un peu plus à des conditionnements sociaux et parentaux). Il s’agit au contraire de sentir la liberté qui existe en nous à chaque instant. Et cela nous invite à faire face à nos peurs profondes et de sentir que nous faisons le choix d’éviter ou non une situation qui nous fait peur. Par exemple, on peut se dire:
A chaque instant je décide par exemple de ne pas dire quelque chose qui va choquer l’autre parce que je préfère vivre ainsi ma relation et que j’ai peur de lui faire du mal.
Mais en fait, cette peur de faire du mal recouvre peut être une autre peur: peur que l’autre réagisse en nous repoussant, peur d’être abandonné, d’être seul, de ne pas pouvoir faire face à la vie si l’autre n’est pas là. Peur aussi pour les conséquences vis à vis des enfants, etc..
Prendre conscience qu’on fait ce choix nous permet d’aller plus profondément dans l’écoute et la compréhension de ces voix intérieures, de ces peurs d’enfants qui nous animent encore à l’état adulte.. Et ainsi être capable d’affronter ces peurs (c’est en cela qu’Andrew Cohen parle d’approche héroïque de l’éveil et de la conscience, car il s’agit d’affronter nos paresses et nos peurs, de dépasser nos conditionnements).

Sauf si l'on est esclave (et encore on a toujours le choix de se rebeller au risque de la mort), on choisit notre vie: on a toujours le choix de quitter son travail, de changer de vie, d'oser gagner moins. Mais si on ne le fait pas, c'est parce qu'on a peur des conséquences, qu'on a peur de ce qui pourrait arriver. Et c'est beaucoup plus confortable de mourir à petit feu en se disant que l'on est victime de notre environnement, du monde, de la société. Le plus grand des courage c'est de faire face à notre vie, à nos choix. C'est très dur à accepter, et je peux en parler, car j'étais vraiment un adepte du "on ne peut rien y faire" ou du "j'ai pas le choix".. Mais c'est le petit enfant qui parle en nous à ce moment là, en voulant fermer les yeux sur la vie et ce qu'elle entraîne.

Mais diront certaines personnes, ce que vous dites est totalement incompatible avec les théories non-duelles et notamment avec l’Advaita Vedanta qui nous dit que finalement nous n’avons pas le choix, que tout ce que nous faisons est déterminé, que nous n’avons que la possibilité de prendre conscience de ce qui se passe à tout instant..

En fait, pendant longtemps je pensais qu’il y avait une contradiction entre ces termes, mais bizarrement il n’y en a pas. Comme le dit Ramana Maharshi, il faut faire un grand effort, notamment sur le mental, qui suppose donc un certain libre-arbitre pour finalement se rendre compte que nous ne sommes qu’une excroissance de la Vie qui joue à l’intérieur de nous, du Divin qui fait l’expérience de la limitation à l’intérieur de nous.
Mais bizarrement, il n’y a pas de contradiction, car c’est juste à l’endroit du “je” intérieur, à l’endroit du libre-arbitre absolu que le Divin s’exprime. En fait, c’est en allant totalement dans la voie du libre-arbitre, en quittant la victime pour de bon et en prenant la responsabilité de nos actes (à condition de ne pas revenir à une notion de devoir qui serait en fait un retour en arrière) que nous atteignons l’endroit de ce que certains appellent notre “mission sur terre” ou ce qu’on pourrait appeler le lieu où la voix de Dieu s’exprime en nous (l’important n’est pas le nom mais l’expérience intérieure de ce lieu).

Etre libre de ses choix, ce n’est pas “faire ce que je veux quand je veux” mais prendre conscience de notre liberté de choisir telle ou telle action, en tenant compte totalement des autres et en étant entièrement responsable de nos actes. Et à cet endroit, si l’on s’ouvre à ce qui est plus grand que nous, on peut ressentir que ce choix qui nous anime profondément vient d’un au-delà du “je”, d’une plus grande profondeur à laquelle on peut donner le nom de Dieu, ou le Soi ou la Vie ou toute appellation en fonction de nos croyances.
En d’autre termes, aller vers le libre-arbitre total en tenant compte de la responsabilité de nos actes, c’est la “première et dernière liberté” comme le précise le livre éponyme de Krishnamurti, c’est être libre d’être ce que l’on est totalement, ce qui, d’un point de vue plus grand dépasse entièrement ce “je”. C’est paradoxal, mais quand on arrive au sens premier de toute chose, on tombe nécessairement dans le paradoxal.

Je veux préciser que je ne suis pas toujours juste dans tous mes choix, qu’il ne viennent pas toujours de ce “je” ou plus exactement que je m’illusionne que je dois faire cela pour telle ou telle raison, qui ne sont en fait que des illusions pour cacher mes peurs. Mais simplement, je sens et sais que en faisant cela, il n’y a que moi que je trompe, que moi que je veux bien illusionner. Il n’y a que des peurs derrière tout cela, et ces peurs doivent être affrontées.. Il n’y a rien d’autres que cela si l’on veut être profondément libre et entrer dans ce que le christianisme appelle “le royaume de Dieu”.

Et pour finir je voudrais donner une image qui résume ce qui vient d’être dit. C’est un peu comme si nous étions le barreur d’un voilier. Parfois, la mer, qui représente les événements de la vie, est tumultueuse, parfois elle est calme. Dans tous les cas, c’est nous qui choisissons notre route, mais la direction que nous avons à prendre, c’est notre étoile qui nous en donne le chemin. Nous avons juste à suivre l’étoile, pour trouver notre propre être, notre propre individuation. Nous sommes donc à la fois libre en tant que barreur – et il convient effectivement de se rendre compte que c’est nous qui donnons un coup de barre à gauche ou à droite, que c’est nous qui décidons de garder le cap ou de se laisser aller au gré du vent – mais pas libre en ce sens que le cap est donné par une étoile qui nous guide et qu’elle nous est propre. Andrew Cohen met plus l’accent sur le barreur, les visions non duelles sur l’étoile, certaines religions sur les moyens habiles à mettre en oeuvre pour arriver à barrer en toutes circonstances, mais il ne s’agit que d’aspects d’une même réalité...