dimanche 30 septembre 2007

De l'effet positif de l'effet placebo

Je viens de lire un article sur l’acupuncture qui monte que son efficacité ne serait pas dû à un effet placebo. Nombre d’étude de neurochimistes à l’appui.. tant mieux.

Mais en même temps je constate que les médecins considèrent toujours le mécanisme du placebo comme une tare… Quand se rendront-ils compte que l’effet placebo est en fait le principe même de l’auto-guérison, et qu’en allant chercher dans cette direction on mettra au point des manières d’agir qui nous permettront d’être en meilleure santé par des techniques de type ‘énergétiques’ ou méditatives, et sans faire appel à la "magie" des vies antérieures ou des anges gardiens que l'on rencontre si souvent dans le petit milieu new-age "vert" (au sens de la Spirale). Je prévois une révolution dans les dix ans qui viennent dans le monde de la médecine. Les allemands se rendent compte déjà (cf. Cerveau et Psycho n°12-Dec 2005, art. sur l’acupuncture) que certains traitements de médecine alternatives sont plus efficaces que certains traitements de médecine traditionnelle. Un nouveau domaine de recherche se développe aux Etats Unis, sous le nom de ‘psychoneuroimmunologie’ qui analyse les relations complexes qui existent entre le systèmes immunitaire et le cerveau. A ce sujet, lire notamment le livre ‘La Solution intérieure : Vers une nouvelle médecine du corps et de l'esprit’ de T. Janssen, chirurgien converti à une approche plus globale de l’être. Un peu comme l’avait fait David Servant-Scheiber avec son livre Guérir.

Je pense qu’il viendra un temps où on arrivera à considérer l’être humain dans sa totalité et pas seulement comme un objet, tout en ayant une vision scientifique et rationnelle de cette totalité. C’est d’ailleurs le pb des médecines alternatives qui proposent des techniques qui fonctionnent, mais qui, comme le note K. Wilber, n’ont pas une explication juste de ce qui se passe. Je dirai plutôt qu’ils utilisent un langage de type introspectif en croyant qu’il s’agit d’un langage objectif à la troisième personne. Je pense qu’il s’agit là d’une erreur classique dans les systèmes magiques. On confond ses projections et la réalité, ou plus exactement la réalité est encore plongée dans un monde qui est paré de toutes les couleurs de la projection. Plus on évolue, plus on progresse dans les niveaux de conscience plus la réalité apparaît telle qu’elle est, c’est-à-dire dégagée de tout « réalisme ». Le niveau rationnel-objectif (Orange) est donc plus près de la « réalité » ultime, que les projections magiques. Mais le niveau rationnel, qui tend à voir toutes choses à la troisième personne, sans prendre en compte les autres niveaux de conscience, n’est pas le niveau ultime tant s’en faut. Il en existe d’autres qui correspondent à de plus hauts niveaux de conscience. Il faudra en particulier que l’on arrive au niveau « jaune » (le niveau fluide-systémique de la Spirle Dynamique) pour qu’on commence à intégrer ces différents point de vue. Mais le monde des sciences est encore un peu fermé à cette approche. Pas tous heureusement. Les plus avancés sont les systémiciens, mais malheureusement ils ne font pas un réel travail sur eux-mêmes.

Francisco Varela le faisait. Mais Varela n’est plus… Quel dommage, quelle tristesse!!

Papa, qu'est ce que la spiritualité?

Cette question de ma fille Héloïse (11ans) me touche et me laisse assez démuni alors que je pense être, sinon un expert, tout du moins quelqu’un dont cet aspect constitue une part importante de sa vie. Et pourtant j’ai eu du mal à lui répondre. Comment expliquer ce qu’est la spiritualité à un enfant ? Comment lui faire comprendre ce terme, sans entrer dans trop de détails ? Donc je vais ici me lancer dans une tentative de définition de ce terme, sans bien entendu avoir la prétention d'y répondre totalement..

D’abord, la spiritualité est liée à un « sens intérieur », une conscience de l’existence de quelque chose de plus grand que soi. La reconnaissance que notre existence est liée à quelque chose qui dépasse nos sens et notre quotidienneté.

Bon, si vous êtes totalement athée et matérialiste, cela ne va vous faire ni chaud ni froid. Mais plutôt que de le voir comme un vécu, on peut aussi le voir comme un processus de recherche.
La spiritualité est profondément liée à une quête de sens, de signification. Il commence avec le « pourquoi » de l’enfant auquel le parent ne plus donner de réponse et qui répond avec un « c’est parce que c’est comme ça ». La spiritualité, c’est d’abord l’espace où cette réponse, « parce que c’est comme ça » est mis en doute, est observée et contemplée. Il y a une sorte de prescience qu’il y a quelque chose derrière le « parce que c’est comme ça », et que l’on peut essayer d’appréhender et de toucher du doigt cette Réalité Ultime qui se cache derrière cette réponse toute faite. En même temps, commencer à s’interroger sur la nature de cette réalité, c’est entrer dans le domaine de la philosophie et plus particulièrement de la métaphysique. Bien que j’adore personnellement cette voie, ce n’est pas celle qu’emprunte la spiritualité. La démarche spirituelle en effet récuse cette approche, trop mentale à son goût. Pour la spiritualité, la réponse à cette question se situe au delà du mental, au delà des réponses logiques, au delà des mots et des discours.

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a une réponse et que cette réponse est à la fois Lumière et Amour, Conscience et Compassion. Je mets volontairement des majuscules à la première lettre de ces mots, car cela signifie qu’ils doivent être pris dans un sens plus profond que celui que l’on utilise généralement. Cette bonne nouvelle a été annoncée par une quantité de mystiques, de Bouddha à Rumi, de Jésus à Padmasambhava, de Tilopa à Ste Thérèse, etc.. qui ont non seulement découvert la voie, mais aussi transmis cet enseignement à d’autres.

La mauvaise nouvelle, c’est que cette réponse est liée à une qualité de perception (une aperception devrait-on dire, mais bon on va garder le terme « perception intérieure » qui est plus parlant), et que nous n’avons pas dans notre état ordinaire ces qualités. Par des pratiques spirituelles (méditation, ascèses, prière, dévotions, rituels, etc..) il est possible d’avoir des prises de conscience de cette Réalité. Ces prises de consciences sont vécus comme des «états mystiques», des «expériences spirituelles». Au début, ces états sont éphémères, mais en continuant les pratiques, il est possible de vivre de plus en plus longtemps dans ces états «modifiés» de conscience et donc de percevoir avec une acuité nouvelle ce qui nous entoure. On a alors l'impression de s'éveiller, d'être conscience de choses qui n'étaient encore qu'inconscience et confusion peu de temps auparavant. L'activité scientifique et la connaissance rationnelle permet déjà d'avoir un aperçu de cette conscience, mais cette approche spirituelle, en se situant au delà de la rationalité, permet d'accéder à une conscience plus grande encore.

Globalement pratiquement toutes les expériences spirituelles rapportent que l'individu a l’impression de voir les choses comme elles sont, avec une plus grande acuité que d'habitude, mais aussi comme une union avec quelque chose qui nous dépasse : union avec la nature, union avec Dieu.. Enfin, pour certains elle peut être vécue comme un vide délicieux, comme un dépassement de la dualité sujet-objet. Dans tous les cas, ces états modifiés de conscience s’expriment comme un dépassement de l’individu dans une globalité plus vaste, dans un tout de plus en plus grand et comme une dissolution de cette individualité, caractérisée par l’ego.

Alors qu’est ce que c’est la spiritualité ? C’est tout à la fois la quête de cette Connaissance (qui est aussi Amour), l'ensemble des pratiques permettant d'atteindre ces états mystiques et les états obtenus généralement par des pratiques.

Une question que l'on me pose souvent, c'est "mais pourquoi vouloir aller chercher quelque chose", pourquoi ne pas vivre sa vie simplement.. Tout simplement parce que celui qui a entrevu ce qu'il y avait derrière le voile de la quotidienneté, ne peut pas vivre en faisant semblant qu'il n'a rien vu. C'est pourquoi, nombre d'individus se sont mis en route à la suite d'une expérience spirituelle éphèmère qui les a transformé. Une fois qu'on a entrevu quelques bribes de la Réalité, une fois qu'on a entendu l'appel du divin, la vision standard que nous pouvons avec des choses et du monde est un peu fade..

Bon, je ne suis pas sûr que cette tentative de définition soit réellement éclairante pour Héloïse, et je pense que c'est encore un peu compliqué pour elle.. C'est normal, elle est encore en plein développement du moi et donc lui parler de ce qui se trouve "au-delà" du moi ne doit pas être très éclairant.. Bon, faudra que je trouve une autre solution.. J'aimerais tellement être capable d'écrire comme G. Bateson dans ses dialogues avec sa fille dans Vers une écologie de l'Esprit..

jeudi 27 septembre 2007

Le principe de Lucifer


Je viens de lire le Principe de Lucifer de Howard Bloom, qui est effectivement un livre profond et troublant (A propos, je ne sais pas quel est le ringard qui affublé ce livre d’une couverture aussi nulle et aussi peu en rapport avec le livre.. Je préfère, et de loin, les couvertures américaines, da'illeurs, j'ai mis ici la couverture américaine... D'autre part, ne vous faites pas avoir par la maison d'édition un peu tournée vers les "mystères des anges", car le livre de Bloom est très scientifique dans sa démarche).

Sa thèse est extrêmement novatrice.. Il va d’ailleurs encore plus loin que Richard Dawkins. Son idée principale c’est que la violence résulte simplement du processus de la Nature qui a lieu avec l’apparition de réplicateurs tels que les gènes. Ces gènes, comme les ressources sont limitées, entrent en collision, et les individus qui portent ces gènes luttent pour augmenter la reproduction de leurs gènes. En termes « gèno-centrés », cela revient à dire que les gènes produisant les êtres les plus violents, ont augmentés leur chance de se reproduire. Mais cette sélection ne s’effectue pas au niveau individuel mais au niveau du groupe. Ce sont les groupes qui sont en compétition entre eux pour survivre et surtout pour reproduire leur pool génétique. En gros, la Nature nous a donné des capacités de coopération collective pour que nous puissions mieux survivre individuellement. Ceux qui vivent de manière isolés qui ont le moins d’amis sont d’ailleurs ceux qui ont moins de chance de survivre. Ce sont aussi ceux qui sont le plus déprimés et qui se suicident le plus volontiers.

Les mèmes, pour H. Bloom, sont avant tout des systèmes pour constituer et marquer des groupes. Il montre ainsi que certains mèmes s’échappent du groupe initial, dans lesquels les membres sont relativement liés sur le plan génétique, pour constituer de plus grand groupes.
Mais la sélection naturelle introduit aussi un autre élément extrêmement important, une hiérarchie de dominance entre les individus (hiérarchie de dominance, exprimé sous la forme de Pecking Order en anglais, est malheureusement traduit comme principe de préséance, des mots qu’on n’emploie jamais en éthologie, mais bon, mis à part ça, la traduction est excellente). Cette hiérarchie de dominance est à l’origine d’une grande partie de nos comportements (ça il est pas le premier à l’avoir vu), et cette dominance permet effectivement de sélectionner les meilleurs gènes. Plus exactement les gènes qui poussent à la dominance, en augmentant le niveau de testostérone par exemple, a tendance à mieux se reproduire, car il aura accès à plus de femmelles. D’autre part, les femelles choisissent plutôt les hommes à forte dominance. La rivalité féminine pour les mâles dominant concourrant elle aussi à renforcer la puissance de ce système de dominance.

L’autre point important de Bloom, c’est le fait que ce sont les super-organismes qui agissent les humains au travers des mèmes qui constituent et solidifient les groupes. Il utilise beaucoup la métaphore des réseaux neuronaux pour les groupes. D’ailleurs dans les quelques pages du tome 2 du principe de Lucifer (le cerveau global), il défend la thèse que les êtres humains sont augmentés ou diminués (en termes d’énergie et de prestige social) en fonction des besoins du super-organisme. Nous sommes des cellules d’un super-organisme qui se soucie comme d’une guigne de nous en tant qu’individu, mais qui cherche à se développer en augmentant lui aussi sa position dans l’échelle de dominance vis à vis des super-organismes qui l’entourent. Ici aussi, il faudrait reprendre cette formulation : ce n’est pas le super-organisme qui a une intention, mais simplement le fait que les gènes qui poussent les individus à se sacrifier pour le groupe, ont globalement plus tendance à dupliquer que ceux qui ne disposent pas d’une part d’altruisme social. Bon, je ne suis pas sûr que Bloom aurait reformulé sa thèse de cette manière... D'autre part, plus un individu tend à monter dans la hiérarchie, plus il tend à s'opposer à tous ceux qui sont en place.. Pas de pitié dans le principe de Lucifer, la Vie (et donc le Divin) a besoin de ce mécanisme pour augmenter son niveau de conscience. C'est par cette lutte incessante et par cette recherche de dominance pour participer à la reproduction de ses propres gènes que les organismes ont pu se développer. C'est ainsi la nécessité, d'après Bloom, qui pousse les individus à entrer en compétition au sein d'un groupe, et à lutter entre groupes pour obtenir un meilleur niveau dans le "Pecking Order"..
On retrouve certaines idées du holisme méthodologique de Durkheim, mais en utilisant les théories nouvelles des mèmes, avec une vision très Nietzschéenne de la Vie.

Le seul reproche que l'on puisse faire à Bloom c'est de n'utiliser que les arguments qui l'arrangent.. Mais bon, il semblerait que ce soit assez classique dans la littérature scientifique anglo-saxonne. Charge aux autres de démonter le mécanisme. Ce n'est pas à l'auteur de la thèse de démonter sa propre thèse. En France, on aime bien ceux qui pensent "à charge et à décharge", c'est à dire qui pèsent le pour et le contre.. mais cela est certainement très culturel. D'autre part, ce livre doit être lu comme la face obscure de la vie. La sélection, le meurtre, le désir de domination et le déni de l'autre est l'un des phénomènes fondamentaux pour expliquer l'évolution de la vie.. Mais il y aussi la coopération, l'entre-aide, l'amour, l'altruisme qui constitue l'autre face, plus lumineuse, de l'évolution. Et il faudrait aussi parler de cet aspect.. Mais bon, Bloom a décidé d'en rester à la partie obscure dans ce livre..

Inutile de dire que j'ai adoré ce livre.. Je l'ai dévoré avec ardeur et plaisir.. Comme quoi Lucifer est toujours attirant finalement :-)

Une petite remarque: on peut aller sur le site de Howard Bloom pour connaître un peu mieux sa vie qui est totalement exceptionnelle à tous égards...